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The Sky's run into the sea  (Kranky / Southern records)  novembre 2003

Le terme krankiesque est bien en train d’entrer dans le dictionnaire de la musique pas comme les autres, tant Kranky est synonyme d’une ligne musicale radicale qui suit intimement les pas du label américain depuis les premiers albums de Labradford.

Non pas que Kranky se soit enfermé dans une niche (aussi bien Low que Jessamine ont pu trouvé leur place dans des styles diversement excellents) mais a été le seul havre pour récupérer de bons cœur des projets musicaux au style difficilement caractérisables mais intimement voisins.

Ainsi ce nouveau groupe américain Growing est bien parmi les siens quand il cotoie Stars of the Lid et autres droneurs sur le mythique label chicagoan. Une musique où les mélodies avancent cachées, englouties sous des nappes parfois à peine audibles de drones, des vombrissements d’ampli ou d’oscillateurs, un jeu de masque et de constrastes pour une esthétique instrumentale basée sur la maléabilité du son et surtout une dilatation du temps, une approche du domaine du présenti plus que du formulé.

Mais parlons plutôt des spécificités de cet album qui nie la frontière entre ciel et mer : comme il n’y a que cinq morceaux on peut se permettre pour une fois de les prendre les uns après les autres, et à vrai dire cela tombe bien car si parler d’un disque est déjà une tache ingrate (tout est relatif), décrire une telle musique sans rentrer dans le concret frôle la congestion ou l’éceuil des mots creux. Dire en effet qu’il s’agit d’un album ambiant et méditatif serait le plus honnête, mais serait aussi catégoriquement contredit dans le détail.

Le morceau d’ouverture "A Painting" est sans doute le plus représentatif de l’album et une des meilleurs raisons de passer l’après midi étendu sur son lit les oreilles en éventail. Comme pour toutes les musiques répétitives, le terme d’innovation se ballade dans les changements imperceptibles et c’est lui qui nous prend par la main pour entrer dans ce disque beaucoup plus accessible que ne le ferait croire un rapide balayage en borne d’écoute (heureusement il a peu de chance d’être en présentoir dans vos supermarchés culturels, dans un sens le matraquage marketing a du bon).

Loin d’un minimalisme d’étudiant en musicologie, le son est simplement réduit à une orchestration limitée laissant la place à une expression éparse et sans fioriture : une micro-riff à la guitare, une cymbale, et un vombrissement retenu coloré de quelques "larsens" , sur le papier on approche un dénuement qui aurait rendu Phil Spector cardiaque. La lenteur des variations donne accès à une dilatation du déroulement musical et donc à un remise en perspective des facteurs d’échelle : rapidement les moindres variations deviennent perceptibles et lourdes, et tout évanouissement du son est craint tragiquement comme une disparition, le surgissement d’un riff de guitare interpreté comme l’entrée d’un nouveau personnage.

Cette musique est éminemment cinématographique et en tous cas très scénographiée, le tout dans une clarté sonore en contradiction avec les drones omniprésents, ce qui rappelle là aussi beaucoup Labradford mais aussi le passage "the buildings they are sleeping now" de Gy!be dans cette personification habitée presque concrète mais qui évoluerait gracilement sur la pointe des pieds.

Le deuxième morceau est beaucoup moins calme et mélancolique et se décompose en deux parties. Après les échanges en catimini entre une évolution mélodique éthérée et un drone aux volontés hégémoniques bien contenu par les arguments de la première, le silence se fait totalement… la tension est à son comble, effritée seulement des explosions de cymbales à nu et le retour du drone qui ne s’est pas avoué vaincu et réapparait dans un tournoiement malsain. Un joli entrechat plaisant et esthétiquement réjouissant qui est clos par l’arrivée de guitares un peu grasses qui rappellent les écarts de Sun o))) et ne sont pas vraiment bienvenues sans réussir à gâcher le morceau. En fait la laideur de l’instrumentation n’est certainement pas fortuite et au final constraste férocement avec la subtilité du jeu sonore liminaire. Au delà de l’idée de dualité un peu docilement appliquée, on se serait contenté de la seule première partie qui occupe l’essentiel du morceau et aurait été un des meilleurs exercices du genre.

C’est sur ce même gros son baveux que démarre le troisième morceau, avec la différence ici que la guitare joue un air bien connu des apprentis guitaristes, "Norveujiane Oude" comme on dit chez Monsieur Jean. Un morceau sans intérêt, incompréhensible dans l’ambition sinon un poil potache. "Cutting, opening, swimming" est peut être une des seules raisons honnêtes de dire du mal de cet album. Oublions le vite, on préfère nettement quand Growing ne cède pas à la tentation de grandir trop vite et de rester un artisan horloger du son.

"Southern Wrights" est clairement à part dans le disque et il utilise la guitare dans une approche beaucoup plus classique et paradoxalement ici étonnante. Elle rappelle assez le "Hunting Bears" de Johnny Greenwood dans l’intention voire la tentation de l’abîme de "Dead Man" par Neil Young. Le titre est assez court par rapport au rythme du disque, les autres morceaux naviguant en effet autour du quart d’heure, et sert d’avantage de transition tourmentée que de véritable "histoire" contrairement aux autres épanchements musicaux. La différence est qu’ici on est dans une structure plus classique à l’évolution relativement rapide qui offre une miniature répétitive saisissante et inspirée, on sent presqu’un manque à la sentir ainsi isolée et non intégrée à une composition plus conséquente. Au final il permet de donner plus d’âme à l’écoute du disque en ajoutant une coloration qui trouve très bien sa place insérée dans le tracklisting.

Si vous avez bien compté vous arrivez au terminus, dernière station de l’album. "Pavement rich in Gold" est un morceau atypique, celui qui indique clairement que ce n’est pas un disque de plus produit au kilomètre par des fous furieux qui se prennent au sérieux. C’est le morceau le plus étoffé du disque, à vrai dire, pleinà craquer qui navigue avec désinvolture dans la palette du groupe avec une évolution réjouissante et communicative. Ce groupe qui nie la frontière entre ciel et mer s’amuse à jouer sur l’audibilité de certaines boucles et une manipulation du son vaporeuse. Le morceau commence par un enchevêtrement de nappes et de glissando qui s’évanouissent en un souffle qui sert d’appui à un hymne entre un solo de guitare déclamé pas vulgaire et à des chœurs chantés dans le lointain pour un résultat assez rigolo avant de se rendormir en douceur dans un coda qui joue à plein sur la mélodie stéréo (autant dire plus subtil que sur Interstellar Overdrive).

Il y a un temps pour tout, et ce disque correspond à une approche plus posée et contemplative de la musique, pas forcemment plus complexe, mais dans un rapport moins direct et viscéral que ne le sont les canons du post-rock épique (Gy!be, Eits, Mogwai…). Dans cette filiation ce disque mérite un attention particulière si l’on arrive à faire abstraction des quelques fautes de goût qui cassent un peu le mythe.

Au final ce premier disque de Growing a vraiment ses moments et assure que Kranky a encore du flair et reste… krankiesque.

 

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