"Ma peinture, je sais ce qu’elle est sous ses apparences, sa violence, ses perpétuels jeux de force, c’est une chose fragile dans le sens du bon, du sublime, c’est fragile comme l’amour."

Cette exposition présente le parcours fulgurant de Nicolas de Staël (1914-1955), l'un des peintres de l’Ecole de Paris les plus célèbres de l'après-guerre. Une œuvre de mille toiles sur une douzaine d’années, qui cherche à dépasser l’opposition abstraction/figuration par une approche de la réalité résolument neuve. La très forte personnalité du peintre alliée à une intelligence aiguë de la peinture engendrent quelques-unes des oeuvres-clé de l'histoire de l'art contemporain.

Sa technique ? de l'épaisseur, de la matière, des empâtements, des aplats beaux à couper le souffle, dans un rapport lumière/couleur époustouflant. Il ne peint pas, il sculpte. Il dit qu’il n’utilise pas la soie des pinceaux, rien que du métal, couteau, spatule. La violence du métal qui lisse la matière.

De petit ou de grand format, les peintures, dessins, encres de Nicolas de Staël contiennent un lyrisme, une lucidité et une violence de création rares dans l'art de son époque. L’homme est en état de souffrance et cela transpire, vous happe au passage. Une de ses encres, discrète, titrée ‘’ J’habite une douleur’’ l’illustre et nous touche.

Dans une interview au Nouvel Observateur, sa fille, Anne de Staël dit que son père :..’’ne faisait pas des tableaux. Chaque nouvelle toile était pour lui un nouvel événement. Ce qu’il regardait venait le chercher, ce qu’il avait à dire le tenait. Chaque fois il allait jusqu’au bout, il transcendait ce qu’il avait ressenti. Il a vécu ainsi pendant douze ans. Etait-il possible de soutenir une telle tension plus longtemps? N’est-ce pas là l’explication de son suicide? Lui-même a écrit: "J’espère bien mourir avant que la flamme ne baisse." Un soir où j’étais seule avec lui, il me lisait les «Illuminations» de Rimbaud. Je ne comprenais pas, mais j’étais gagnée par l’implication, la flamme qu’il y mettait. Je sentais que c’était cette évidence-là, cette fulgurance qu’il voulait atteindre. Il nous a laissé des tableaux qui sont autant d’ illuminations!"

L'exposition présente plus de 200 oeuvres à l'huile de l'artiste accompagnées de dessins et de documents d'archives : "Les Barques", "Les Mouettes", "Les Footballeurs", "Les Toits", "Les Musiciens", "Antibes", "Le Grand Concert" (inachevé avec son suicide en mars 1955).

La rétrospective est éblouissante.

Dommage cependant que l’éclairage de certaines toiles de l’expo ne soit pas adapté, justement, à la recherche de lumière de l’artiste. Mauvaise appréciation également pour les textes argentés sur murs blancs, placés en contre-jour et quasiment illisibles. Mais peut-être est-ce conceptuel au Centre Pompidou…l’Art ne se mérite t’il pas ?