Les fêtes de fin d’année approchent à grands pas, mais cette fois encore, désolé, la gaieté ne sera pas le thème du jour. Le livre évoqué la semaine dernière, L’Homme qui marchait sur la lune, était plutôt du genre sombre ; loin de moi l’idée de chercher à achever l’internaute "biblivore" avec cette présente chronique, mais Nullipare, sans être pour autant noir ou déprimant, n’est pas vraiment lui non plus l’ouvrage le plus hilarant de l’année…Joyeux Noël. Promis, la semaine prochaine, je ferai un effort, je vous dégoterai quelque chose d’un peu plus en adéquation avec les scintillantes couleurs multicolores de vos intérieurs joliment décorés pour l’occasion, amen.
Le dernier – et beau – livre de Jane Sautière a pour point de départ une mammographie : alors qu’on est en train de lui faire une radiographie des seins, la narratrice s’entend désignée et catégorisée par le terme "Nullipare" . Le sens de ce mot dont la sonorité peut paraître quelque peu barbare ? Est nullipare toute femme n’ayant encore jamais enfanté. Définition simple et terrible à la fois. Car, dès lors qu’elle entend ce terme qui n’est a priori qu’un constat ou une observation scientifique dans la bouche du médecin, la narratrice réalise toute l’anormalité que représente, aux yeux de la majorité, le fait de n’être toujours pas mère bien qu’étant une femme déjà dans la force de l’âge. On touche là l’un des tabous, tenaces aujourd’hui encore, de la condition féminine.
La narratrice se sent d’autant plus troublée par le terme "nullipare" que la sonorité de ce dernier lui fait aussi entendre "nulle part", elle qui a passé sa vie à déménager, à ne jamais se fixer – ou très peu. Dès lors, ce double trouble lexical est le point de départ d’une réflexion et d’une mise en perspective dont le sujet est en grande partie elle-même : sans aigreur ni colère, sans s’apitoyer sur son sort ni chercher à se justifier, mais simplement en s’examinant sans concession ni émotion déplacée, la narratrice va ainsi se remémorer les différentes étapes de son passé pour mieux comprendre sa situation dans le présent.
Dans ce livre sobre et poétique (ce qui n’est pas antinomique) où varient les tons et les rythmes de la langue, Jane Sautière parvient avec beaucoup de sensibilité, d’honnêteté et de distanciation à "interroger l’ahurissant mystère de ne pas avoir d’enfant comme on interroge l’ahurissant mystère d’en avoir". Au final, c’est un beau et touchant portrait de femme qu’elle nous offre. |