Spectacle conçu et mise en scène par Daniel Danis, avec Marie Delhaye et Baptiste Amann.

La grande ville va accueillir les jeux olympiques et les autorités la font nettoyer pour y cacher la misère à grand renfort de snipers. Enfant abandonnée, Kiwi est bientôt livrée à elle-même et rejoindra un groupe d’enfants sans-abri, où elle héritera de ce prénom au milieu d’autres Tangerine, Mangue ou bien Litchi, son futur compagnon d’errance.

Etrange sensation de n’avoir pas vu du théâtre en tant que tel, mais une expérience artistique inédite combinant plusieurs formes d’expression.

Les acteurs, bien présents, ne sont la plupart du temps visible que par un écran interposé ou dans le noir, suivis au plus-près par une caméra infrarouge qui fait de cette descente aux enfers une sorte de docu-fiction. Mais il ne s’agit pas non-plus de cinéma, même si la forme et l’utilisation massive des images s’y rapproche (outre les plans filmés en direct - et parfois retravaillés - des images documentaires d’enfants roumains sont rajoutées, accentuant encore la crédibilité du propos).

On peut aussi voir de la photo, de la peinture et finalement comment décrire autrement "Kiwi" que comme un poème qu’il est, à la fois simple et poignant ?

Au départ donc, il ya un texte. Fort, bouleversant et terriblement réel. Comme toujours chez le québécois Daniel Danis, auteur majeur contemporain, on retrouve des personnages perdus entre le ciel et la terre, que les émotions ballottent au grès du vent. Ici, Kiwi et Litchi (comme avant eux Niki et Djoukie dans "Le langue à langue des chiens de roche") essayent d’unir leurs solitudes dans un monde froid et violent.

Les images bleutées, portées par la musique aérienne de Jean-Michel Dumas, suspendent le temps et nous happent pour nous plonger dans ce road-movie envoûtant et hallucinatoire avec Kiwi et Litchi que la force de vie aidera à rester vivants alors que ce monde cauchemardesque mais terriblement crédible, aux aspérités tranchantes, entame sans répit le rêve.

Au final, même si on regrettera juste que ce procédé original nous laisse si loin des acteurs (Marie Delhaye et Baptiste Amann, merveilleux tous les deux), on sort groggy de ce conte magistral, comme échoué d’un rêve marquant.