Quand Fred Chichin meurt à 53 ans, c’est une des figures les plus familières de la scène musicale française qui disparaît. Depuis 1985, année où les Rita Mitsouko sortent Marcia Baila, nous sommes habitués à compter le groupe parmi les artistes à suivre. Catherine Ringer impose son baroque : voix puissante et rock, corps endiablé, sauvage et incarnation de femme-louve, capable de s’inventer, de se réinventer, et Fred, musicien curieux qui sait aussi prendre des risques. Alors les Rita Mitsouko en tant que groupe des années 80 s’est placé dans une région où les critiques rock et le public savent se réconcilier.
Inoxydables, ils semblaient l’être, non ? Ce couple dessiné en robots sur les affiches de leurs derniers spectacles. Mais c’est la mort qui t’a assassiné.
Alors Catherine sans Fred ? Quel avenir pour le groupe ? Et pour elle quel personnage ?
Or Catherine Ringer n’a jamais joué les créatures d’un quelconque Pygmalion, n’a pas commencé sous les auspices des conseillers en marketing. Elle a fait preuve de combativité dans sa musique et dans sa vie d’artiste. Et si elle s’est mise au service d’un projet, comme celui d’Alfredo Arias, on la sent toujours libre et souveraine. Alors un combat de plus. Une expérience à partager avec le public. Un exemple de plus à donner aux femmes, aux hommes en général. Face à l’adversité, garder la tête haute, ne rien renier et continuer, vers la joie. Elle nous l’a démontré : il ne faut pas compter sur elle pour jouer les veuves éplorées (sans pour autant être voyeuse joyeuse, simplement veuve décente), faire fructifier un capital, thésauriser des rééditions à n’en plus finir, extirper des fonds de tiroir : ce qu’elle a souhaité, juste ne pas oublier en laissant le groupe disparaître avec son mari. Elle ne chantera plus les Rita Mitsouko sur scène, elle laissera d’autres interprètes, je suppose, s’approprier le travail d’une entité à deux têtes qui n’est plus.
Pour solder les comptes, elle a donné les derniers concerts à la Cigale : le disque Live et le DVD du concert sont sortis cette année.
On sent que ce n’est pas très évident pour elle, elle est en robe noire, un chapeau à voilette. Les musiciens n’en font pas trop mais jouent avec retenue.
Les chansons, leur énergie viennent frapper à la porte, veulent sortir, veulent exploser les murs de la citadelle. Mais est-ce possible ? Peut-être plus avec Catherine Ringer, bien qu’elle soit portée par le public, par sa foi dans la musique, foi dans la vie.
Alors allons-nous condamner un DVD live qui se cantonne à filmer le concert, l’enthousiasme du public, la générosité de l’interprète ? C’est bien mais c’est peu. Considérant les circonstances, c’est peut-être juste ce qu’il faut.
Quand la vie pousse Catherine Ringer à s’incarner dans d’autres chansons, avant qu’elle se remette à l’œuvre elle-même pour son propre compte.
Et pour nous, il faudra aussi un peu de temps pour qu’on écoute les Rita Mitsouko sans ce voile de tristesse, sans ce rappel du temps compté de nos affections. |