Comédie
dramatique de Gianina Carbunariu, mise en scène de Christian
Benedetti, avec Christian Benedetti, Françoise Gazio,
Ingrid Jaulin, Nina Renaux, Stéphane Schoukroun et Vincent
Tepernowski.
Au Théâtre Studio d'Alfortville, l'année
2009 commence sous les auspices d'une réflexion projective
sur le monde du 21ème millénaire avec un texte
de Gianina Carbunariu, jeune auteur
dramatique roumain en résidence en ce lieu où
avait déjà été monté son
précédent opus "Kebab".
En la forme, "Avant hier après
demain" ressortit non au théâtre de
représentation mais au théâtre d'exploration
et au registre créatif de la performance à partir
d'un texte que Christian Benedetti, qui en assure la mise en
scène, qualifie d'essai pour dire le monde d'aujourd'hui.
Dans une vision socio-politique et altermondialiste, Gianina
Carbunariu expose une problématique unique, celle de
l'humanité, et l'hypothétique stratégie
de l'homme d'aujourd'hui confronté aux conséquences
pour le moins interpellantes de certains événements
et de choix de société qui existent déjà,
il ne s'agit donc pas de science-fiction, dont l'extrapolation
à l'extrême génère des scénarios
catastrophes.
Si la forme n'est pas classique, également du fait de
la suppression du 4ème mur et du principe de l'unicité
de la scène, en raison de son éclatement en ce
que l'auteur nomme des "micro scènes", en revanche
le quartet de scènes principales constituent bien le
lieu de représentation de mini drames en condensé
qui sont au théâtre ce que, en littérature,
les nouvelles sont au roman.
Ces "nouvelles du futur" sont illustrées,
à la manière d'un patchwork, de thématiques
de nature différente. Dans un maillage d'antiennes et
de flashes, tel l'étiquetage humain ou le développement
tentaculaire des nouvelles technologies de communication, la
consommation de cigarettes érigée en crime passible
de peine de mort, la fécondation in vitro qui débouche
sur une société dans laquelle maternité
rime avec troisième âge, l'épique association
de végétariens sous influence d'un cerveau archaïque
carnivore voire cannibale ou le détraquement climatique
qui soumet l'homme à des douches écossaises aux
réminiscences bibliques dressent un panorama burlesque
qui ici confine à l'absurde.
Absurde le mot est lâché, et l'ombre ionescienne
se profile derrière l'écriture concise et l'humour
noir acéré de Gianina Carbunariu.
La structure brute du Théâtre Studio d'Alfortville,
sis dans un ancien entrepôt, offre le décor idéal
d'un camp retranché dans un univers que l'on imagine
à la Mad Max dans lequel s'organise une certaine forme
de résistance interactive à laquelle est conviée
le spectateur.
La mise en scène de Christian Benedetti,
également présent sur scène dans le rôle
hallucinant du vieillard qui a conservé une cigarette
vestige de la liberté individuelle, imprime à
cette manifestation théâtrale un rythme vif et
réaliste et une couleur drolatique particulièrement
judicieux.
Les acteurs de cet angoissant et violent retour vers le futur
sont particulièrement investis et convaincants : Françoise
Gazio, Ingrid Jaulin et Nina
Renaux forment notamment le trio époustouflant
des parturientes retraitées et Stéphane
Schoukroun et Vincent Tepernowski,
sont désopilants dans la confrontation tragi-comique
autour de la baignoire-abattoir. |