Comédie dramatique de Eugène Ionesco, mise en scène de Roger Planchon, avec Colette Dompietrini, Roger Planchon et Patrick Seguillon.

1954, deux années après "La cantatrice chauve", Eugène Ionesco écrit "Amédée ou Comment s'en débarrasser". C'est aussi à cette époque que Roger Planchon commence sa carrière d'acteur et de metteur en scène. Les premiers séminaires de Jacques Lacan débutent à cette période. Magritte peint "L'empire des lumières"...

"Amédée ou Comment s'en débarrasser" est certes un texte de son temps, une pièce classique mise en scène par un grand monsieur du théâtre depuis longtemps reconnu, cependant il n'y a rien ici de poussiéreux.

Il y a d'abord l'intrigue surréaliste : un couple qui ne sort plus de chez lui depuis 15 années, depuis qu'un cadavre est là, dans leur "chambre de jeunes mariés", à grandir de jour en jour, tandis que des champignons envahissent l'appartement. C'est le fruit du refoulement d'Amédée, des non-dits au sein du couple, c'est "la faute, le péché originel" (dixit Ionesco).

Il y a donc la symbolique psychologique qui éclaire ce texte : Le système de l'inconscient a une inertie propre et il gêne la réalisation du sujet; d'ailleurs Amédée n'arrive plus écrire les dialogues de sa pièce de théâtre.

Mais Roger Planchon, dans sa mise en scène et la direction des comédiens, n'oublie pas que la mécanique de cette pièce repose d'abord sur le comique de situation, la dynamique du décalage entre les situations drôles, absurdes, et l'angoisse sourde qui sous-tend les dialogues.

Les acteurs qui interprètent ces personnages sont donc vifs, même physiquement légers malgré leur âge : Colette Dompiétrini qui a débuté sur les planches en 1958 dans "George Dandin", déjà mis en scène par Roger Planchon et Roger Planchon lui-même. Ils chantent, dansent, parcourent la scène d'un pas allègre.

Puis il y a les décors et la scénographie : les nuages sur les murs rappellent l'oeuvre de Magritte. Les pieds du cadavre, qui débordent de la chambre et envahissent la scène, amènent une touche de spectaculaire. L'envol final d'Amédée, au lointain, plus dans une demie-pénombre que dans la lumière, ou l'emploi de films projetés sur les décors montrent que, sans oublier l'âge de la pièce, Roger Planchon s'est emparé à bras le corps de ce texte pour lui donner une vitalité propre à notre époque.

C'est donc une pièce à redécouvrir (ou à découvrir), et qui s'adresse, parce qu'elle peut être lue à plusieurs niveaux, à tout public.