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Théâtre L'Atalante  (Paris)  mars 2009

Tragédie de Sophocle, mise en scène de René Loyon, avec Marie Delmarès, René Loyon, Yedwart Ingey, Adrien Popineau, Jacques Brücher et Claire Puygrenier.

Jadis réticent au théâtre classique, c’est grâce à une universitaire plus émouvante que les autres (Véronique Gély, spécialiste des mythes gréco-latins, dont on recommande la bibliographie) que nous nous sommes finalement intéressés, depuis quelques années, à la tragédie - en particulier celle des grands auteurs de l’Antiquité grecque : Eschyle, Sophocle et Euripide. Rattrapant tant bien que mal notre retard, nous avons fini par apprécier la richesse et la pertinence de ce théâtre, que nos a priori de départ avaient injustement désigné comme obsolète et poussiéreux.

Ne pas se fier aux apparences et préjugés faciles : voilà ce que l’on aimerait désormais crier aux néophytes ou au grand public. Car malgré les règles de composition strictes, le poids des ans et l’inévitable érudition qu’il déploie et appelle… ce théâtre tout de sang de sueur et de larmes s’avère encore incroyablement vivant et sensuel, lorsqu’il a la chance d’être bien interprété et mis en scène. Sur le plan de la passion et de l’émotion, il ferait aisément la nique aux plus mélodramatiques des feuilletons actuels - le panache en plus, la médiocrité en moins.

Larmes aux yeux et boule dans la gorge : voici quel fut à peu près notre état au sortir de cette représentation d’"Antigone", de Sophocle, mardi dernier à L’Atalante. Sous le charme d’une jolie morte, certes… mais aussi terrifié par les extrémités dont est capable la race humaine, aveuglée par le pouvoir et soumise aux facéties des Dieux. Etonnamment, la tragédie qui était censée mettre en garde les citoyens de la première démocratie contre les penchants les plus condamnables de l’âme, a gardé toute son acuité, nous renvoyant au visage des considérations très actuelles sur la violence encore à l’œuvre dans nos pauvres cités.

Déjà porteuse d’une lourde hérédité (fille de l’union incestueuse d’Œdipe avec sa propre mère), la jeune Antigone est témoin de la lutte à mort entre ses deux frères… L’un d’eux, considéré en héros, a droit aux honneurs de la sépulture ; tandis que la dépouille de l’autre, convaincu de traîtrise, sera exposée en place publique et livrée aux charognards, sans que quiconque ait droit de l’enterrer dignement.

C’est cet interdit abominable que la jeune femme va transgresser, provoquant la colère du roi de la cité (Créon), qui se trouve être son oncle (frère de la mère incestueuse) et aussi, comme si cela ne suffisait pas… le père de son fiancé.

A cet écheveau familial impossible s’ajoute un arrière-plan politique : Créon statufié par son pouvoir nouveau et bardé de nobles principes sur la conduite de celui-ci, ne veut rien laisser passer, fût-ce à un membre de sa famille… Constatant la faute d’Antigone (qui a recouvert de terre le cadavre de son frère), il prendra alors la décision de l’emmurer vivante, provoquant l’ire de la cité et une réaction en chaîne d’atrocités.

On le voit, la demie mesure n’est pas de mise, chez ces êtres de rage et de passion, et leur outrance respective aura raison des meilleures volontés (le chœur, plutôt mesuré). Le destin fatal de ces créatures obéit aux règles ancestrales du genre : nul "happy end" de dernière minute ; les prises de conscience ou rédemptions, lorsqu’elles surviennent, sont trop tardives et n’empêchent jamais la mort de s’abattre ; au contraire, elles laissent les survivants, devenus lucides, plus amers encore.

Pour accentuer cette fatalité et l’expliquer, la pièce est rythmée par certaines paroles du coryphée, évoquant les mythes et montrant à quel point ces hommes ont pu être (et sont encore) malmenés par Zeus et ses Dieux. Dans ce cas précis, Antigone "paie" pour sa terrible hérédité, tandis que Créon est coupable d’avoir outragé les règles du royaume des morts, en refusant les rites traditionnels à un cadavre honni.

La traduction nouvelle signée par Florence Dupont (professeur de latin et spécialiste du théâtre antique) utilise un vocabulaire plutôt contemporain, sans ostentation ni anachronismes, permettant au spectateur (que pourraient rebuter les tournures archaïques) de se sentir en phase avec ces problématiques anciennes. Le choix des costumes va dans le même sens (sobres et actuels), mais pèche parfois par excès de contemporanéité : les jeans du coryphée, en particulier, nous ont parus un peu déplacés… Pour accueillir ce déferlement de haine et d’amour incompris, point d’ostentation : le texte est déjà assez riche et l’action chargée ; le décor, d’une sobriété exemplaire, s’efface derrière ses interprètes.

Dans le rôle titre, la jeune Marie Delmarès, coiffée à la Sainte-Jean(ne)-Seberg, fait merveille, toute de détermination butée et rage impossible à étancher. Si l’écriture du rôle ne permet pas un éventail très large (coincée entre l’ire et la colère… le désespoir et l’accablement), elle compense en faisant d’Antigone une femme proche de l’illumination, au regard fiévreux d’une inquiétante fixité. Sa diction émue et ensalivée (répliques parfois soulignées par de magnifiques postillons de rage !) contraste admirablement avec le jeu sec et méchant de René Loyon (par ailleurs metteur en scène) en Créon.

L’Atalante est un tout petit théâtre, mais cela participe du charme de la représentation : si proche de la scène, le public plonge de plain-pied au cœur de l’action, et est fréquemment effleuré par les comédiens. Cette proximité ajoute encore au plaisir : nous prenons peur lorsque les gardes déboulent de derrière le public pour traîner un cadavre sur scène ! Et sommes bouleversés lorsque la pauvre Antigone se mêle aux spectateurs (figurant les notables de Thèbes) pour les prendre à partie, frôler de sa robe et manquer s’évanouir dans leurs bras…

 

Nicolas Brulebois         
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