Comédie
dramatique de Sylvie Dyclo-Pomos, mise en scène de Judith
Depaule, avec Ludovic Louppé.
Il est des histoires que l’on ne peut pas conter. Des
histoires d’hommes difficiles à évoquer.
La guerre… Celle du Congo serait la plus meurtrière
après la deuxième guerre mondiale. Ici, elle n’oppose
pas des pays mais des ethnies.
"La Folie de Janus" raconte l’affaire des disparus
du Beach. Les faits ont lieu après une crise politique
aiguë et une succession de guerres civiles.
Des centaines de milliers de personnes ont fui le Congo Brazzaville
en 1998. Ils se sont réfugiés dans la forêt
du Pool et en République Démocratique du Congo.
Un an après, les réfugiés sont rapatriés
dans leur pays suite à un appel du gouvernement. Ils
rentrent par bateau et arrivent au port de Brazzaville, baptisé
le "Beach".
À leur arrivée, après un très long
voyage, ils seront triés. Il y a d’un côté
les hommes jeunes, emmenés dans des lieux secrets où
ils seront torturés puis exécutés. De l’autre
côté, les moins chanceux qui seront enfermés
dans des bidons et jetés dans le fleuve Congo. Au total,
plus de 350 personnes seront portées disparues. S’en
suivra une longue affaire judiciaire.
Zatou est un de ces hommes arrivés au Beach. Pendant
une heure, il nous raconte la guerre, évoque les membres
de sa famille qu’il a perdue. Il se remémore ses
années de clandestinité dans la forêt. Assis
sur sa valise, au port, il attend. Il sera de la troisième
vague, pour une destination inconnue. Seuls ses cris et son
ton agonisant nous laisseront imaginer le pire.
Dans la forêt, il a laissé sa femme. Avant de
quitter le pays, il a abandonné de force ses fils aux
mains de la milice. Les enfants soldats ? Il ne connaît
que trop bien. Vinki-la-main-noire était un des leurs.
Il n’avait que 17 ans lorsqu’il s’est attaqué
à la famille de Zatou. Il sera le seul personnage tiré
de faits réels.
La mise en scène très sobre et intelligente de
Judith Depaule appuie l’émotion et la tragédie
du texte. Au dessus de Zatou, personnage interprété
par Ludovic Louppé, un écran a été
dressé. Des images défilent. Au début,
on nous plante le décor, nous sommes en Afrique. Ensuite,
c’est Zatou ou plutôt son subconscient.
Cet écran devient alors un véritable personnage
à qui Zatou s’adresse. Il se parle à lui-même
et nous transporte dans la complexité de ses pensées.
Cet écran mime ses émotions. La lumière,
tantôt blanche, rouge, jaune et enfin bleue, nous introduit
dans l’univers de l’homme. Nous passons alors de
la confidence, plutôt douce, à la violence de souvenirs
qui lui reviennent en mémoire.
Ici, pas de caricatures ou de clichés. Sylvie Dyclo-Pomos
nous conduit avec vérité dans la réflexion.
Elle évoque, à travers son texte, un passé
douloureux et lourd, le tout avec une grande force. Le charismatique
Ludovic Louppé nous ouvre généreusement
les portes du passé de Zatou, le tout sur un jeu simple
et sans larmes.
"La Folie de Janus" s’impose comme un grand
et beau témoignage d’un trop pénible héritage. |