Drame
de Paul Claudel, mise en scène de Olivier Py, avec John
Arnold, Olivier Balazuc, Jeanne Balibar, Damien Bigourdan, Nazim
Boudjenah, Céline Chéenne, Sissi Duparc, Frédéric
Giroutru, Michel Fau, Philippe Girard, Mireille Herbstmeyer,
Miloud Khétib, Christophe Maltot, Elizabeth Mazev, Jean-François
Perrier, Olivier Py, Alexandra Scicluna et Bruno Sermonne.
Olivier Py met en scène "Le soulier de satin",
la tétralogie claudélienne fleuve d'une durée
de 9h30 qui narre l''épopée romanesque et tragique
à travers le monde d'un amour impossible. Un événement
pour ce début de l'année qui draine tout Paris
vers le Théâtre National de l'Odéon.
Dans ses notes d'intention il cite le commentaire de Jean Genet
relatif à cette saga cosmique qui tient en un raccourci
saisissant : "Claudel c'est con mais pas chiant".
L'inverse n'est pas faux.
Car il faut reconnaître que, sans émettre aucune
réserve quant à l'intelligence inspirée
de Olivier Py ni à sa mise en scène baroque et
flamboyante servie par une pléiade d'excellents comédiens
et soutenue par la scénographie époustouflante
du fidèle Pierre-André Weitz, que l'intrigue,
si tant est que l'on puisse qualifier ainsi cette folle course
poursuite entre deux amants extatiques, épuise sur la
longueur.
En effet, Dona Prouhèze est un peu une marquise des
Anges plongée dans le monde des conquistadors qui serait
soumise non pas à l'opportunisme libertin, d'ailleurs
son prénom n'incite guère à la bagatelle,
mais à la foi dans ce qu'elle de plus exigent : seul
le sacrifice de l'amour humain peut sauver l'homme en l'élevant
vers le divin. Dès lors, à défaut de la
posséder, son amant, au sens de l'amour courtois s'entend,
entreprend la conquête du monde.
Cette vaste fresque tragique et lyrique est émaillé
d'intermèdes dans lesquels Olivier Py trouve une matière
de choix pour poursuivre son inlassable exploration et éloge
du théâtre.
Car Paul Claudel, qui a si bien cerné la quintessence
du théâtre dans "L'échange" par
la bouche de Lechy, a parsemé sa pièce-monde de
divertissements qui en embrassent tous les registres, du mélodrame
au burlesque, de la commedia dell'arte au théâtre
nô, de la chanson de geste au cabaret, dressant ainsi
un inestimable panorama du spectacle vivant.
Dans des décors élégiaques qui reposent
sur la quadrichromie liturgique chère à Olivier
Py - le rouge, le noir, le blanc et l'or - ses comédiens
"fétiches" enflamment la scène : et
pour ne citer qu'eux, la sublime Jeanne Balibar,
flamme rouge de la passion qui la consume, Philippe
Girard superbe conquérant tragique, Michel
Fau qui trouve ici des rôles à sa démesure,
Céline Chéenne décidément
au sommet de son art, John Arnold
et l'époustouflante Sissi Duparc.
Bien évidemment in-dis-pen-sable ! |