Dear John, cinquième album de Loney Dear, a des allures de jeune premier pour le français qui tombera, par mégarde, sur l’objet. Non pas que le suédois soit un débutant (il commença comme pianiste jazz à la fin des années 90), mais avec sa mine de jeune poupon atrophié et ses deux albums précédents sortis sur le tard (2007) dans l’hexagone, Loney Dear, jusqu’à présent, c’est plus "lonely" que "dear", si vous me passez l’expression.
Dear John, le nouveau né, a les joues bien roses comparé aux grands frères. Parce qu’Emil Svanängen s’est infligé la blessure de celui qui expérimente, il échappe enfin aux carcans réducteurs type "folkeur du grand Nord tentant d’évoquer la nostalgie des hivers sans fin avec ensens bois de cèdre". "Airport surrounding", sur sa boîte à rythmes et ses synthés 80’, enlève le tempo au-delà des clichés européens. Premier titre.
La suite est étonnante, toisant Thom Yorke pour la voix plaintive et Sigur Ros dans ce qu’il y a de mieux, flirtant avec l’instrumentation grandiloquente ("Distant lights") et – hélas – parfois avec la lamentation des prairies désertées ("I got lost"). La voix, cristalline, emprunte au classique, sans fioritures, jamais vulgaire à faire le trottoir pour racoler les passants.
L’identité de ce John, sans trop chercher, reste inconnue. Etrange impression que Loney Dear se confie au double inexistant, entre la fiction Walt Disney et l’épouvante moderne de Metropolis. De bons classiques contemporains se cachent sur le disque, comme "Violent", pourtant pas le qualificatif le plus évident sur cet album. Fans de Motorhead et autres crucifixions animales, passe ton chemin, les autres savoureront la tendresse des toundras acoustiques ("Harm/Slow") chantées dans un écrin blue note.
Conclusion ? Tout en retenue, souvent intime, Dear John s’écoute comme un dos crawlé : de manière répétitive, sans idée des directions, mais avec une grande rigueur. |