Musique sep Théâtre sep Expos sep Cinéma sep Lecture sep Bien Vivre
  Galerie Photos sep Nos Podcasts sep Twitch
 
recherche
recherche
Activer la recherche avancée
Accueil
 
puce puce
puce Jonathan Bénisty & Johann Fournier
Les Variations de l'éther  (Ubik Production)  mars 2009

Ce n'est pas encore aujourd'hui que tu vas comprendre ce dont je parle, tante Ursule. Ma pauvre tante, tu t'étais si bien habituée aux formats standards : un groupe, un album, des chansons... Ta culture pop à toi, avant nos années zéro (et l'infini ?), où l'on ne sait plus rien faire simplement.

Attention, ma tante Ursule aime la musique, elle s'en passionne même et elle a sur moi quelques longueurs d'avance, parce qu'elle a souvent vécu le rock de l'intérieur : elle était à Woodstock, a rencontré Jim Morisson à Paris, a suivi en direct la vie, la décadence et la mort de Pink Floyd... Ma tante Ursule avait une préférence pour les musiques amples, épiques, poétiques, évocatrices. Ça tombe bien, moi aussi. Alors j'essaie de lui faire découvrir la musique d'aujourd'hui, de temps en temps, nos monstres sacrés à nous, l'histoire en train de s'écrire, comme j'aime le lui dire.

Mais le drame est là : ma tante Ursule ne comprend rien à ce que j'écris dans mes chroniques. La faute, certainement, aux prétentions de ma plume, qui s'amuse trop souvent à chercher à rendre par sa prose ce que mes oreilles ont pu saisir de l'artiste en son disque. Et comment (d)écrire simplement ce que l'on entend lorsqu'il est si riche – il me faudrait savoir écrire à plusieurs voix.

Mais si ma tante Ursule ne comprend pas tout, la faute ne m'en incombe pas toute. C'est que certains projets, certaines compositions, certains partis-pris artistiques sont par nature difficile à suivre. Ursule avait rencontré elle-même cette difficulté : expliquer des compositions étirées comme Echoes aux amateurs de rock-à-Billy tenait de la gageure...

Alors j'ai bien peur, aujourd'hui, d'engendrer une certaine confusion chez toi, pauvre tantine, avec mes Variations de l'éther (le titre te plaît, pourtant, ça te rappelle un peu "ton époque", le mariage impossible entre Glenn Gould et Ange).

Pourquoi cette peur ? Parce que le projet a pris au sérieux l'idée de variations : il cherche à s'exprimer dans des réalités différentes, des langages indépendants. Parti d'un dialogue entre un photographe (Johann Fournier) et un musicien (Jonathan Bénisty), le projet a par la suite fait place aux voix d'un réalisateur (Manuel Deiller), d'un danseur (Yourik Golovine), d'un illusionniste (Guillaume Vallée) et d'une comédienne (Christelle Martin-Golovine). Il est ainsi devenu un spectacle plurisensoriel – pour ne pas dire, parce que tante Ursule n'aime pas ces grands mots : "synesthésique".

Sa musique, Jonathan Bénisty l'a mise en disque – un autoproduit de très bonne facture dont la réalisation est due à Johann Fournier (tu te rappelles, Ursule, le photographe qui avait au départ inspiré tout ce voyage imaginaire...?). Musicalement, le projet pourrait rappeler le travail de Sylvain Chauveau (plutôt en solo qu'avec Arca, quoique Demain Jerusalem puisse me faire mentir avec ses guitares électrisées), du Air de la bande originale de Virgin Suicide (autre oeuvre de dialogue – la parenté est palpable sur Leurs mains tremblent) ou des Clogs. Une même façon de puiser dans les ressources d'une composition exigeante, nourrie de classicisme mais aux sonorités très contemporaines. Comment te dire, Ursule... comme si un compositeur classique avait eu à sa disposition les moyens des musiques électrique et électronique.

Ensuite, le projet même l'impose, qui se veut dialogue constant avec un univers visuel pétri de fantasmagorie : cette musique fait appel à ton imaginaire, tatie. Parce qu'aux neuf morceaux du disque correspondent les neuf images du disque, et aussi quelques mots. Mais ce n'est pas seulement un travail d'illustration des uns par les autres. C'est un dialogue, vraiment, un enrichissement réciproque des imaginaires.

Je dis "imaginaire" parce qu'on y croise vraiment de drôles de choses, dans ces mondes-là : des villes qui s'égarent, plus ou moins dans les nuages ; une chute verticale ; des ailleurs et des bestiaires ; des ponts de mer ; un carillon bleu, qui résonne bellement ; des chaises, des valises et encore d'autres chaises ; des horloges arythmes ; Lazare, le désert, un autre hémisphère... Une véritable forêt de symboles – comme dans ce poème de Baudelaire, Correspondance, que tu aimais tant – qui justement était si sensoriel.

Alors on voyage, immobile, saisi par cet entrelac de rêves et de réalités, bercé par la richesse des compositions. On s'abandonne au plaisir simple de la rêverie – comme une simple dérive. L'art a-t-il besoin de nous parler du monde ? Le monde a-t-il d'ailleurs besoin d'exister ?

Tu souris, tante Ursule. Tu as compris. Je n'ai pas complètement râté mon coup. J'ai réussi, un peu, à te parler de ce disque aussi excellent qu'impossible, à te donner envie de l'écouter, de te perdre dans ces musiques qui en sont à-peine puisqu'elles existent avant tout en image. Tu les aimes déjà, ces variations de l'Ether. C'est qu'il était vraiment fait pour toi, ce disque, puisque tu n'existes pas. Je t'embrasse.

Affectueusement,

Cédric.

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :

La chronique de l'album Abdominal de Jonathan Benisty
La chronique de l'album Pénélope Circus de Jonathan Bénisty

En savoir plus :
Le site officiel de Jonathan Bénisty
Le Soundcloud de Jonathan Bénisty
Le Bandcamp de Jonathan Bénisty
Le Facebook de Jonathan Bénisty


Cédric Chort         
deco
Nouveau Actualités Voir aussi Contact
deco
decodeco
• A lire aussi sur Froggy's Delight :


# 14 avril 2024 : En avril, de la culture tu suivras le fil

Un peu de soleil, des oiseaux qui chantent, le calme avant la tempête olympique. En attendant, cultivons-nous plutôt que de sauter dans la Seine. Pensez à nous soutenir en suivant nos réseaux sociaux et nos chaines Youtube et Twitch.

Du côté de la musique :

"Kit de survie en milieu hostile" de Betrand Betsch
"Let the monster fall" de Thomas de Pourquery
"Etat sauvage" de Chaton Laveur
"Embers of protest" de Burning Heads
"Sin miedo" de Chu Chi Cha
"Louis Beydts : Mélodies & songs" de Cyrille Dubois & Tristan Raës
"Arnold Schönberg : Pierrot lunaire" de Jessica Martin Maresco, Ensemble Op.Cit & Guillaume Bourgogne
"C'est pas Blanche-neige ni Cendrillon" de Madame Robert
"Brothers and sisters" de Michelle David & True Tones
"Prokofiev" de Nikita Mndoyants
"Alas" de Patrick Langot, Alexis Cardenas, Orchestre de Lutetia & Alejandro Sandler
"Symptom of decline" de The Black Enderkid
"Tigers blood" de Waxahatchee
"Not good enough" de Wizard
et toujours :
"Le carnajazz des animaux" de Dal Sasso Big Band"
"Deep in denial" de Down To The Wire
"Eden beach club" de Laurent Bardainne & Tigre d'Eau Douce
"Ailleurs" de Lucie Folch
"Ultrasound" de Palace
quelques clips en vrac : Pales, Sweet Needles, Soviet Suprem, Mazingo
"Songez" de Sophie Cantier
"Bella faccia" de Terestesa
"Session de rattrapage #5", 26eme épisode de notre podcast Le Morceau Cach

Au théâtre

les nouveautés :
"Tant que nos coeurs flamboient" au Théâtre Essaïon
Notes de départs" au Théâtre Poche Montparnasse
"Les chatouilles" au Théâtre de l'Atelier
et toujours :
"Come Bach" au Théâtre Le Lucernaire
"Enfance" au Théâtre Poche Montparnasse
"Lîle des esclaves" au Théâtre Le Lucernaire
"La forme des choses" au Théâtre La Flèche
"Partie" au Théâtre Silvia Monfort
"Punk.e.s" Au Théâtre La Scala
"Hedwig and the angry inch" au théâtre La Scala
"Je voudrais pas crever avant d'avoir connu" au Théâtre Essaïon
"Les crabes" au Théâtre La Scala
"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
"Music hall Colette" au Théâtre Tristan Bernard
"Pauline & Carton" au Théâtre La Scala
"Rebota rebota y en tu cara explota" au Théâtre de la Bastille
"Une vie" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Le papier peint jaune" au Théâtre de La Reine Blanche
des reprises :
"Macbeth" au Théâtre Essaion
"Le chef d'oeuvre inconnu" au Théâtre Essaion
"Darius" au Théâtre Le Lucernaire
"Rimbaud cavalcades" au Théâtre Essaion
"La peur" au Théâtre La Scala

Une exposition à la Halle Saint Pierre : "L'esprit Singulier"

Du cinéma avec :

"Amal" de Jawad Rhalib
"L'île" de Damien Manivel
zt toujours :
"Le naméssime" de Xavier Bélony Mussel
"Yurt" de Nehir Tuna
"Le squelette de Madame Morales" de Rogelio A. Gonzalez

et toujours :
"L'innondation" de Igor Miniaev
"Laissez-moi" de Maxime Rappaz
"Le jeu de la Reine" de Karim Ainouz
"El Bola" de Achero Manas qui ressort en salle
"Blue giant" de Yuzuru Tachikawa
"Alice (1988)" de Jan Svankmajer
 "Universal Theory" de Timm Kroger
"Elaha" de Milena Aboyan

Lecture avec :

"L'origine des larmes" de Jean-Paul Dubois
"Mort d'un libraire" de Alice Slater
"Mykonos" de Olga Duhamel-Noyer
et toujours :
"Des gens drôles" de Lucile Commeaux, Adrien Dénouette, Quentin Mével, Guillaume Orignac & Théo Ribeton
"L'empire britanique en guerre" de Benoît Rondeau
"La république des imposteurs" de Eric Branca
"L'absence selon Camille" de Benjamin Fogel
"Sub Pop, des losers à la conquête du monde" de Jonathan Lopez
"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
twitch.com/froggysdelight | www.tasteofindie.com   bleu rouge vert métal
 
© froggy's delight 2008
Recherche Avancée Fermer la fenêtre
Rechercher
par mots clés :
Titres  Chroniques
  0 résultat(s) trouvé(s)

Album=Concert=Interview=Oldies but Goodies= Livre=Dossier=Spectacle=Film=