La Maison de la Poésie, institution unique en France, fête ses vingt ans et célèbre, à l'occasion du 40ème anniversaire de sa mort, un grand nom de la poésie française Jean Cocteau.
Enfant terrible issu d’une famille bourgeoise et cultivée, jeune auteur prodige, il est propulsé dans le paris mondain et littéraire de l’époque qui foisonne d’artistes mégalomaniaques, excentriques et novateurs et de monstres sacrés de l’entre-deux guerres.
Esthète, romancier, poète, dramaturge, cinéaste, peintre, styliste, librettiste, sculpteur, il a étourdi ses contemporains par ses constantes métamorphoses et ses fécondes créations, qui en font le Protée du 20ème siècle, et reste éternellement vivant comme il l’avait prédit :"Le poète est un homme invisible. Un dieu farceur m’a donné un anneau qui rend visible et j’ai une terrible visibilité...Je reste avec vous".
Il n’y avait donc que l’embarras du choix pour puiser dans son œuvre foisonnante même si la mémoire collective n’en garde que quelques bribes.
Monique Bourdin, qui se consacre depuis longtemps à l’œuvre de Cocteau, et l’actrice Brigitte Fossey ont créé ce montage poétique autour du face-à-face du poête et de son ange et cette dernière a tout naturellement fait appel à sa fille, Marie Adam, également comédienne, pour incarner son double, jouer ces duos et ces duels, et donner vie à un florilège des textes du poête.
Deux excellentes comédiennes nous entraînent rapidement au fil de la belle langue simple de Cocteau dans son univers flamboyant, baroque, subtil et esthétisant. La mise en scène de Brigitte Fossey est légère, presque aérienne,"C’est le vent de la vie et de la poésie qui effeuille sa rose" indique-t-elle, et laisse place à la force des mots et de la pensée de l'auteur. Une très belle réussite servie par une interprétation sans faille.
Quelques regrets, côté décor, avec les mièvres bouillonnés de tissu blanc qui encadrent le double escalier. Sur le fond, il ne faut pas oublier que Cocteau était aussi révolutionnaire, réactionnaire, opiomane, sulfureux et iconoclaste ; dommage que ce florilège ne comporte pas d’extraits plus subversifs et dérangeants, au moins dans la forme, ou d’œuvres moins connues. Mais tout choix est forcément critiquable et sans doute guidé par la nécessaire adaptation pour la scène théatrale dans un lieu relativement académique.