Comédie
de Georges Feydeau , mise en scène de Jean-François
Sivadier, avec Nicolas Bouchaud, Cécile Bouillot, Stephen
Butel, Raoul Fernandez, Corinne Fischer, Norah Krief, Nicolas
Lê-quang, Catherine Morlot, Gilles Privat, Anne de Queiroz,
Nadia Vonderheyden, Rachid Zanouda, Jean-Jacques Beaudouin et
Christian Tirolé.
Simultanément le Théâtre National de l'Odéon
programme, aux Ateliers Berthier, "Faust" vu par le
prisme du metteur en scène lituanien Eimuntas Neckrosius,
et, à l'Odéon, "La
dame de chez Maxim" le célèbre vaudeville
de Feydeau monté par Jean-François
Sivadier.
Si les critiques notoires se montrent assez réservés
pour le premier(quoi-qu'est-ce donc-ça se comprend comment
ce spectacle en VO surtitré dont on ne nous livre pas
le vadecum?) qui s'avère un spectacle magnifique, en
revanche, ils sont dithyrambiques, certains criant au génie,
pour le second qui est cependant bien décevant.
Certes ce dernier qui s'attaque à un texte connu et
rebattu et qui mise sur le surjeu et les effets traditionnels
de la comédie de boulevard ne nécessite aucun
ni aucun effort de compréhension ni même bien évidemment
l'existence d'un ressenti, de plus tout est soigneusement détaillé
dans les notes d'intention rédigées façon
vademecum. Il suffit de se laisser aller au divertissement.
Dans "La dame de chez Maxim", Georges Feydeau qui
customise de manière plus comique l'intrigue de "L'affaire
de la rue de Lourcine" de son aîné Labiche,
dresse un portrait caustique de la bêtise bourgeoise à
partir des folles péripéties d'un médecin
qui, après une nuit de bombance a ramené au domicile
conjugal une jeune personne, fort utile à la gente masculine
de cette époque pour jeter sa gourme et trouver des compensations
libidineuses à un mariage toujours contraint, pas du
tout recommandable en société en la personne d'une
danseuse de cabaret surnommée la môme Crevette,
s'enferre dans le mensonge pour ne pas être pris en flagrant
délit d'adultère.
Le propre du génie de Feydeau est, à la manière
des chercheurs de laboratoire qui disposent un morceau de fromage
dans une colonie de rats affamés, d'instiller la folie
et le dérèglement dans un univers, et donc un
décor, pour le moins conventionnel et engoncé
dans un immobilisme rassurant.
"La dame de chez Maxim" est donc une mécanique
qui, après auto-allumage, une mince étincelle
- l'arrivée inopinée d'un oncle qui voyant la
donzelle la prend pour l'épouse légitime - produit
sa propre dynamique avec l'infernale spirale du mensonge par
un enchaînement de quiproquos et de revirements de situations
rocambolesques sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter
un décor redondant et de surcroît totalement anachronique
avec le choix d'une représentation en costumes sous couvert
de "gagner en modernité".
En effet, le parti pris du triumvirat qui a signé la
scénographie, Daniel Jeanneteau, Christian Tirole et
Jean-François Sivadier himself, est de composer sur un
plateau nu un décor récurrent "à la
Sivadier", en l'occurrence constitué de plaques
au sol, de portes suspendues et de grosses cordes lestées
- la poulie devenant la déclinaison de son cercle-roulette
fétiche - pour "la vitalité de l'espace scénique",
décor dont il est précusé qu'il a été
conçu pour "susciter l’espièglerie
et l’humour présents dans l’écriture
de Feydeau".
Par ailleurs, Jean-François Sivadier opte pour une mise
en scène lumières pleins feux, jeu frontal, "démarrage
en trombe-pied au plancher" qui fait que la machine s'emballe
dès les premières scènes, empêche
toute progression de la frénésie rythmique dispensé
déjà de manière frénétique
et entraîne d'inexorables décélarations
- difficile pour les acteurs de tenir cette allure pendant trois
heures - et des essoufflements patents. Après l'entracte,
la machine en surchauffe improductive a même du mal à
repartir. Le public ronronne, ne rit pas vraiment à gorge
déployée et s'empare de la moindre occasion de
s'esclaffer et de se pâmer. Ainsi en est-il avec une des
chansons dispensées, "Les nuits d’une demoiselle",
pourtant très diffusée depuis que le théâtre
musical, qui suscite un réel engouement des spectateurs,
reprend le répertoire français coquin et grivois.
Cela étant certaines scènes sont réussies
grâce à l'excellent Gilles Privat, remarquable
de justesse, qui compose un oncle général plus
subtil qu'on le voit d'ordinaire et à Norah Krief, dont
le physique se prête bien à l'évocation
des gouailleuses du caf'conc de la Belle Epoque, tire bien son
épingle du jeu.
Nicolas Bouchaud, dans le rôle du docteur vibrionnique
entre deux léthargies séquelles post-éthyliques,
ne ménage pas sa peine et mouille sans sa chemise, ou
plutôt ses chemises, avec une grande abondance dans un
jeu cyclothymique qui alterne gesticulations hyperactives et
inattendues et brutales chutes au sol narcoleptiques.
D'autres prestations suscitent l'étonnement circonspect
comme Raoul Fernandez qui joue, entre autres rôles, un
abbé qui officie de la soutane comme une danseuse du
Moulin Rouge, Stephen Butel avec une scansion à la Michel
Fau qui serait né dans le pays inventeur des bonbons
Ricola, ou Nadia Vonderheyden, l'épouse rombière,
à qui la jupe entravée donne une démarche
de pingouin, la voix éraillée qui joue les yoyos
toujours au bord de l'aphonie, qui passe la deuxième
partie du spectacle à rouler des yeux et à contenir
ses seins qui menacent à tout moment de jaillir d'un
bustier trop étroit. Tout cela contribue à une
certaine cacophonie ambiante et à une ambiance de café-théâtre
qui trouve toujours un public. |