Après La gueule du cougouar, premier effort solitaire de Xavier Plumas (janvier 2009), le tout jeune label YY confirme tout le bien que l'on ne demande qu'à penser de lui avec sa deuxième publication : Dreamer, are you sad ?, deuxième album de Poor Boy.
Poor Boy, c'est un quintet à la scène comme au studio, mais c'est surtout le projet de Jacques Creignou, un peu à la façon dont Porcupine Tree ne sera jamais autre chose que le groupe de Steven Wilson. Le nom de la formation est emprunté à la chanson de Nick Drake (sur l'album Bryter Layter ; Island records, 1970) et l'album Moondream (autoproduit, avril 2006), pièce de folk music sombre et délicate, justifiait largement cet emprunt.
Le programme a pourtant bien changé entre temps, et ce nouvel effort, plus rock, est surtout plus touffu, plus fou. Certainement l'histoire du rock retiendra-t-elle cela de la décennie en cours : un esprit aventureux, avide de repousser les frontières des genres et de s'essayer à des assaisonements relevés. Cet esprit qui agite (pour ne pas dire : possède) le dernier Ghinzu, pour n'en citer qu'un. A ce titre, Poor Boy est bien l'enfant de son époque – et certainement pas le parent pauvre.
Dreamer, are you sad ? est tellement nourri d'influences variées qu'il sera difficile de toutes les démêler. S'y relisent, tout simplement, les meilleurs moments du rock indépendant anglo-saxon de ces vingt dernières années. Mais le vrai tour de force réside dans la façon dont le groupe, avec intelligence et talent, a su s'approprier cet héritage sans s'y enfermer ni jamais tourner en rond.
L'univers est définitivement anglo-saxon, dans les sonorités comme dans la réalisation (tous les textes sont chantés en anglais et l'album a été produit par Peiter Deimel, connu pour son travail avec Chokebore, dEUS, the Kills...). Malgré toute la méfiance que ce type d'assimilation culturelle peut éveiller, on sera contraint de reconnaître, pour une fois, qu'il y a là une authentique réussite. Le meilleur disque français de rock anglais / américain de l'année 2009, tout simplement.
On aimera, en vrac : les discrètes touches d'électro maline, toujours d'une grande pertinence ; le morceau éponyme, single rêvé et pièce de rock enfiévrée pour radio dévergondée ; les invasions soudaines du premier plan par les guitares saturées ; le grand soin apporté aux atmosphères ; la voix qui s'étrangle parfois légèrement pour gagner en lyrisme, façon Efrim Menuck à la mode God bless our dead marines ; la façon dont s'emmêlent les voix (celle de Jacques Creignou et celles de La fille ou Benoît Guivarch, chanteur du groupe Carp ici en guest star) ; la variété des sonorités exploitées par la composition (formation rock classique, touches d'électro, brève apparitions de saxophone, multiplication des voix, diverses percussions, nappes synthétiques, d'orgue et de mellotron, quelques samples...) ; le travail constant de déconstruction des rythmes, aussi, qui porte sans cesse les compositions dans des directions innattendues et évite la moindre seconde d'ennui.
Sans contredit, Dreamer, are you sad ? respire encore la jeunesse – c'est-à-dire : non pas l'inexpérience mais la fougue, l'appétit, l'énergie, l'inventivité. Toutes ces qualités qui font une musique vivante. L'album est un coup de maître, tout simplement. Et son auteur, Poor boy, pauvre gosse ; le monde est là, devant lui et il n'a plus qu'à s'y précipiter, plein de promesses, tout juste sorti de sa folk-adolescence. L'avenir n'est pas un champ d'interrogations angoissées, mais un infini de possibles. A suivre, avec attention. |