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A l’aise à l’Est  avril 2009

ll en va du slam comme de la chanson et du rock : les vedettes étalées en têtes de gondoles sont rarement les artistes les plus talentueux. Il faut fuir ce tout-venant commercial et fouiller un peu, afin de dénicher la perle rare qui nous mettra une vraie claque.

Jusque-là, donc, les gros vendeurs labellisés slam ne nous ont pas convaincu : avec son flow monotone, Grand Corps Malade paraît incapable de véhiculer la moindre nuance. Abd Al Malik, rappeur rangé des voitures, cherche un peu trop à s’acheter une crédibilité auprès des anciens (la connexion Jouannest Brel Greco) pour être honnête. Quant à la petite Luciole, malgré son charme indéniable, elle est encore trop fleur bleue pour être totalement prise au sérieux.

Nous en étions là avant d’entendre parler de Koumekiam, jeune slameur lyonnais qui écume avec succès les festivals (au tremplin Chorus, il a récemment triomphé de la pauvre Luciole) et vient de sortir un premier CD, A l’aise à l’Est.

A priori, il ne s’agit que d’un "mini" album, mais la surprise n’est pas moindre : les 8 titres qui le composent, s’ils ne durent effectivement que 22 minutes, sont assez forts pour nous convaincre des talents indéniables du bonhomme.

22 minutes, après tout, n’est-ce pas la durée idéale des meilleurs disques punk ? De la même façon, le slam, avec toute l’intensité qu’il véhicule, gagne à être concis. Le disque de Koumekiam est compact, et l’on en ressort sonné ; ravi, finalement, qu’il ne se soit pas dispersé sur plus de titres.

Concrètement, le jeune homme pratique un genre qu’il qualifie lui-même de "chanson-slam" : l’étiquette pourrait paraître antinomique, mais il parvient à mêler les registres avec bonheur. En gros, s’il contient une majorité de slam (quelque chose qui oscille entre incantation et rap), l’album propose de temps à autres des titres chantés, évitant ainsi la monotonie "récitative" qui pend au nez du genre.

A l’aise à l’Est est construit selon une progression cohérente, du léger au plus sérieux, jusqu’au dramatique. Il démarre par une espèce de sketch, présentation "a capella" logiquement intitulée "Chanson-Slam", définissant son credo et ironisant sur les plumitifs qui seraient tentés de trouver ça antinomique… Il se moque aussi de l’idée de street-credibility, et des puristes du slam pour qui toute mise en musique serait signe de pacte avec le Diable.

De comique, il devient satirique sur "Intermittent", complainte amère sur ce statut étrange : précarisé, mais considéré comme feignant ou privilégié par les autorités et les masses. Il y raconte la pathétique course au cachet à laquelle doit s’astreindre le galérien de l’art (le narrateur espère décrocher un petit rôle dans Plus Belle La Vie !). Derrière lui, un piano martèle une ligne tellement répétitive qu’elle suggère bien l’abrutissement résultant d’une quête aussi effrénée/dérisoire.

"Le Grand Manège", sur fond de guitares énervées, fait ensuite entendre le chant de l’artiste. Le texte égrène une litanie de renoncements, notre société vue par un homme au bout du rouleau. Peut-être un poil moins original quand il chante que lorsqu’il slamme, Koumekiam évoque alors un lointain cousin de Mano Solo.

"Maman" est une autre chanson, aux vocaux un peu plus apaisés dans la forme, mais pas moins dramatique dans le fond: message d’amour un peu trop tardif d’un fils à sa mère qui, en attendant, à eu le temps de partir à vau-l’eau. C’est un mélange réussi entre les thématiques de "Mon Vieux" (Daniel Guichard) et "Manu" (Renaud)… tandis que la voix a toujours une parenté avec le chanteur de La Marmaille Nue.

Le disque continue avec un gros morceau, peut-être le plus fort du lot : "Vartan", récit épique (sur fond de musique atmosphérique et bruitages angoissants) du parcours d’un immigré arménien, transitant par la Russie avant de venir chercher un peu d’espoir en France, où il se heurte à la froideur administrative. C’est une phrase de cette chanson qui donne son titre au disque, confirmant la fascination de l’auteur pour l’Europe de l’Est (voir la pochette : cette fille stylée qui fait du stop ou le trottoir… et qu’on embarque dans une Lada rouge sang). S’y exprime une pensée humaniste envers les laissés pour compte du rêve européen.

L’album enfonce ensuite le clou avec une chanson en roumain (le jeune Koumekiam, fasciné par ce pays, y aurait passé quelques années). On n’en saisit pas tout à fait le sens ; mais la musique, tantôt bravache tantôt mélancolique, véhicule un spleen ancestral (entre ivresse slave et désespoir rom) qui nous parle et nous touche profondément.

Toutes ces frustrations et colères accumulées convergent ensuite vers le morceau le plus percutant (donc radio-friendly) du lot : "Jamel Il Est Drôle", qui crache la hargne (pas forcément hors-sujet) d’un blanc contre les injustices raciales ou sociales. Le slammeur y exprime un questionnement profond : peut-on décemment faire de la performance artistique au milieu de toute cette souffrance ? Il semble que Koumekiam ait ait trouvé sa réponse, loin des artistes installés (Renaud, Cali) dont il stigmatise l’engagement gauche-caviar.

Le disque s’achève sur "Il A 12 Ans", portrait empathique d’une caillera grande comme trois pomme, trop vite montée en graine (et donc : pas encore crédible, pas encore coupable). Jolie réflexion sur la difficulté de l’adolescence, en banlieue comme ailleurs ; avec (tout de même) ce constat que plus l’entourage est dur, plus l’ado se barricadera derrière des attitudes arrogantes… Pour le coup, Koumekiam n’hésite pas à être un peu fleur bleue, et sans jouer obligatoirement les grands frères, désamorce toute cette haine par de la tendresse et une saine lucidité.

C’est une constante de son disque : l’empathie envers le rejeté et le malmené (sans verser pour autant dans le catéchisme ou la revendication directe). S’il semble parfois revendiquer une connexion stylistique hip-hop (le slam vient avant tout de là), Koumekiam n’est pas forcément "né dans la rue" (comme chantait l’autre) ou dans la mouise. Pour autant, il ne semble pas en porte-à-faux sur ces sujets, et porte là-dessus un regard plus distant (donc plus lucide ?) que ceux qui y sont embourbés jusque au cou…

Globalement, cet album, réalisé avec son complice Arnaud Jouffroy (qui gère aussi les guitares), est une découverte intéressante. Labellisé slam, Koumekiam propose un éventail musical assez varié pour surprendre et s’affranchir des étiquettes limitatives.

Sur disque, ses chansons sont assez fortes (et universelles) pour nous toucher, et rester ancrées un bon moment dans nos cervelles. Comme il paraît qu’en plus, il assure méchamment sur scène… on n’a pas de crainte : l’avenir est à lui.

 

En savoir plus :
Le Myspace de Koumekiam


Nicolas Brulebois         
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