Montage
de textes Beaumarchais, Belbel, Blessing, Bond, Brecht, Corneille,
Crimp, Delbo, Dubillard, Durringer, Feydeau, Goldoni, Lagarce,
Molière, Musset, Racine, Shakespeare et Tchekhov sous
la direction de Philippe Torreton, avec Sigrid Bouaziz, Bartholomew
Bouteillis, Valentin de Carbonnières, Quentin Faure,
India Hair, Ophélie Koering, Martin Loizillon, Marie
Marquis, Vincent Menjou-Cortès, Julie Moulier, Jean-René
Oudot, Pierre-Marie Poirier, Camille Rutherford, Camille de
Sablet, Paul Spera, Milena Stoyanova, Pierre-Benoist Varoclier
et Manon Vincent.
L'édition 2009 des "Journées
de juin du Conservations National Supérieur d'Art Dramatique"
commence avec des scènes du répertoire et la classe
de Philippe Torreton qui propose avec
"Peintures fraîches"
une sélection de scènes du répertoire au
sens large et noble du terme composée de textes classiques
et de textes d'auteurs contemporains confirmés qui s'inscrivent
déjà comme fondamentaux dans ce thésaurus.
La soirée, et l'exercice, s'avèrent particulièrement
réussie et enthousiasmante.
En premier lieu, le titre, élégant et ludique,
rappelle, par une métaphore picturale, l'intemporalité
des textes du répertoire, ainsi que, avec ce clin d'oeil
à l'expression "Attention peinture fraîche",
la jeunesse des interprètes et le work in progress des
élèves en cours de formation.
Ensuite, Philippe Torreton a structuré de manière
convaincante, telle une représentation théâtrale,
une exercice formel qui peut vite devenir convenu voire ennuyeux,
avec un ordonnancement qui fait la part belle à la mise
en résonance des différents textes, des textes
au choix éclectique et varié, alternance répertoire
classique et auteurs contemporains, même si les incontournables
que sont Molière, Feydeau, Racine figurent à l'appel
et pas seulement avec des scènes-clés, des transitions
souvent cinétiques en en fondu-enchaîné
et une vraie mise en scène qui s'affranchit du pompeux
du décorum et des costumes qui souvent font diversion
pour une interprétation médiocre.
Rien de tel en l'occurrence car avec l'appui stratégique
de quelques élèves de 3ème année
qui constituent la promotion sortante, Bartholomew Boutellis
et Pierre-Benoist Varoclier (Benoist avec un "s" car
le jeune homme est pointilleux) particulièrement juste
dans le rôle de Jean dans "Jean La Chance" et
le monologue de Figaro dans "Le mariage de Figaro"
de Beaumarchais), les excellents Camille de Sablet (qui réussit
dans le rôle de Phèdre, une prestation d'autant
plus remarquable qu'elle intervenait en rupture totale de ton
après une scène pétillante de "Les
amoureux" de Goldoni) et Vincent Menjou-Cortès (désopilant
sans forcer sur les effets dans "Amour et piano" de
Georges Feydeau) tous deux impeccables dans une scène
"fracassante" de "Caresses" de Sergi Belbel,
les officiants, élèves de 1ère et de 2ème
année, effectuent globalement une prestation tout à
fait probante et homogène même si certains élèves
se distinguent déjà.
Celle-ci constitue une belle surprise réconfortante
au regard de la déception éprouvée lors
de l'édition 2008, et atteste du bien-fondé et
de l'efficacité de l'enseignement dispensé par
Philippe Torreton.
Ce soir-là, la gente féminine qui mise sur la
pluralité de rôles et de registres, se démarque
nettement aux côtés de Paul Spera qui apparaît
dans "Les enfants" de Edward Bond, le rôle difficile
de Néron dans "Britannicus" de Racine et en
réplique dans " de "Chronique des jours entiers,
des nuits entières" de Xavier Durringer.
Pour les jeunes filles que le physique pourrait cantonner à
un emploi, il faut relever les prestations de India Hair, un
petit bout de femme blonde vibrionnante, qui se révèle
aussi pétulante dans une scène des bouillonnants
amoureux de Goldoni, que dans la prose syncopée toute
en ruptures de Martin Crimp dans une scène de "Le
traitement" ou la poésie ténue de la Jeanne
de "Jean La Chance" de Bertold Brecht.
De même pour la délicate Sigrid Bouaziz, méconnaissable
à chaque rôle, tour à tour Camille toute
en tension de "On ne badine pas avec l'amour" de Alfred
de Musset, épouse superficielle dans "Le jubilé"
de Anton Tchékov et secrétaire blonde à
la Hitchcock dans "Le traitement" de Martin Crimp.
Avec son timbre de voix, Julie Moulier manifeste une nette
prédisposition pour les rôles de caractère
en jouant Perdican dans "On ne badine pas avec l'amour",
"Indépendance" de Lee Blessing et la "folle
Mertchoutkina" dans "Le jubilé".
Manon Vincent dans "Amour et piano" de Feydeau portée
par le jeu généreux de Vincent Menjou-Cortès,
et Marie Marquis dans le rôle ténu de Sylvie de
"Chronique des jours entiers, des nuits entières"
de Xavier Durringer, laissent entrevoir un beau potentiel mais
leur apparition unique, pour utiliser une expression un peu
triviale, laisse le spectateur un peu sur sa faim.
Cette soirée d'ouverture place donc l'édition
2009 des "Journées de juin du CNSAD" sous de
bons augures. |