Drame
de Heinrich von Kleist, mise en scène de Thomas Bouvet,
avec Thomas Bouvet, Clovis Fouin, Damien Houssier, Maxime Kerzanet,
Noemi Laszlo, Shady Nafar, Gilian Petrovski, et Laetitia Vercken.
Thomas Bouvet, qui a déjà obtenu le prix spécial
du jury dans le cadre de l'édition 2006 du prix du Théâtre
13, concourt pour la seconde fois pour le Prix des jeunes metteurs
en scène avec "La cruche cassée" de
Heinrich von Kleist.
Précisons pour ceux qui ne sont pas des exégètes
de l'œuvre de ce dernier, écrivain allemand du 18ème
siècle tourmenté par les affres de la culpabilité
originelle, qui sévissait dans le romantisme ténébreux,
que cette pièce est une comédie qui ressortit
à la farce métaphysique.
Ecrite dans une langue singulière mêlant grotesque
et expressionnisme, elle traite d'une banale, mais métaphorique,
histoire de cruche malencontreusement cassée lors d'une
tentative infructueuse d'intrusion amoureuse chez Eve, la pucelle,
dont le responsable n'est autre que l'obscur juge de paix Adam
auprès duquel la mère de cette dernière
va venir réclamer judiciairement vengeance.
Thomas Bouvet a opté pour une spectaculaire scénographie,
avec pénombres étudiées et musique glauque,
une divinité bleue qui siège haut perchée
et des silhouettes encapuchonnées de noir qui dévoileront
des personnages violemment grimés entourant une étrange
créature entre le Mister Jack de Tim Burton et le Gollum
de J.R.R. Tolkien variante forêt des Carpates, révélée
hélas, dès l'entrée dans la salle à
un public indifférent qui vaque, et pour un moment encore,
a ses occupations du moment, entre papotage, lecture, SMS et
grignotage, ce qui introduit une sorte de décalage surréaliste,
qu'il a, au demeurant, peut être souhaité.
En conséquence, il faudra aux spectateurs, pour qui
le théâtre ne commence qu'avec l'annonce de l'extinction
obligatoire des portables, un temps de latence pour entrer dans
l'univers ainsi dessiné. Un univers sépulcral
qui, s'apparentant concurremment au conte médiéval
boschien, au grand guignol et à la bouffonnerie gothique,
les laisse d'ailleurs dans une certaine expectative, ne sachant
s'ils doivent rire ou froncer les sourcils de concentration.
La mise en scène s'inscrit dans un maniérisme
esthétisant qui est le dénominateur commun des
comédiens issus, à l'instar de Thomas Bouvet,
du Cours Florent, et dans un parti pris de surabondance didactique
sur un symbolisme appuyé qui introduit une certaine distanciation
jusqu'à l'irruption dans l'intrigue de la matrone belliqueuse,
magistralement campée magistralement par Noémi
Lazlo qui se montre excellente, qui opère un effet de
bascule dans le burlesque et le comique.
La distribution est homogène et tous les comédiens
assurent avec efficacité une partition textuelle ardue
avec toutefois une mention spéciale pour Damien Houssier,
promotion 2008 du CNSAD, qui, à chaque spectacle, il
était cette saison à l'affiche en solo dans "Philoctète
& Ravachol" à la Maison de la Poésie
et sous la direction de Gilberte Tsaï de "Vassa 1910"
au Nouveau Théâtre de Montreuil, consolide indiscutablement
ses marques. |