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Norman Mailer  (Editions Robert Laffont)  février 2008

"Est-ce ainsi que les femmes meurent" de Didier Decoin, "Gomorra" et "Le contraire de la mort" de Roberto Saviano ou encore, à sa manière, Jon Krakauer avec "Into the Wild" : qu’elle prenne la forme de récits de voyage ou traite de faits divers dans des ouvrages au ton quasi journalistique, force est de constater l’essor et le succès croissant qu’a pris en France une littérature hyper réaliste, où la fiction cède la place à la stricte observation et l’analyse des faits réels. Certes, la littérature n’est pas enfermée dans une tour d’ivoire, scandant ou reflétant depuis toujours et de manière plus ou moins flagrante les mouvements politiques, sociaux ou intellectuels de l’Histoire.

Mais ici, les choses vont plus loin. Dépassant encore les frontières tracées par les romans naturalistes dans leur quête exacerbée du réalisme et de la vraisemblance, cette mouvance dite de la "narrative non fiction" bouscule les conventions et les pratiques littéraires. Le genre même du roman évolue, abandonnant les codes sacro-saints de l’imagination et de l’invention pour strictement investir, à la manière des investigations les plus fouillées, les seuls champs du vrai, du factuel.

Sans-doute n’est-ce donc pas tout à fait un hasard si les éditions Robert Laffont, sentant le vent tourner, en profitent pour faire reparaître aujourd’hui, alors qu’il était de longue date épuisé en grand format, le torrentueux "Le chant du bourreau" de Norman Mailer dans leur excellente collection Pavillons Poche.

Située en exergue du volume, une rapide présentation de l’auteur souligne précisément qu’avec son Chant du bourreau, Norman Mailer "a voulu montrer qu’il pouvait faire aussi bien et même mieux que Truman Capote avec De sang-froid". Le ton, d’emblée, est donné. À l’image de son illustre prédécesseur, Mailer va se baser sur un fait divers assez terrifiant pour construire son récit...

En 1976, Gary Marck Gilmore, délinquant multirécidiviste, est ainsi condamné à mort par la Cour de l’Utah pour un double meurtre parfaitement gratuit commis sur les personnes de deux étudiants. Récusant l’idée de plaider la folie ou quelque autre alibi pouvant atténuer l’atrocité de son crime, l’homme va pourtant paradoxalement devoir se battre des mois durant pour faire appliquer sa peine. En effet, les exécutions capitales n’avaient plus cours depuis des années dans l’État de l’Utah, et la Justice eut plus volontiers accepté de transmuer son châtiment en condamnation à perpétuité plutôt que d’appliquer à la lettre la première sanction assignée. Sans compter la pression d’une vaste partie de l’opinion publique qui, majoritairement pratiquante et d’obédience mormone ou catholique, allait parfois jusqu’à interpréter cet acharnement inhabituel du détenu à vouloir mourir comme une forme condamnable de suicide… Encore eut-il fallu pour ce faire qu’il daignât interjeter appel de la décision de la Cour - ce que catégoriquement il refusera d’envisager. Bouleversant, par son courage et son obstination insensée à payer sa dette au prix le plus fort, le pays tout entier…

Fondé sur des interviews de témoins et de proches de Gilmore, des coupures de presse, des comptes-rendus d’audience et autres documents identifiés (correspondance entre le prisonnier et sa compagne Nicole, télégrammes et contrats des avocats, etc.) cités au plus près dans le corps-même du roman, Mailer authentifie avec ardeur son ouvrage, soulignant dans sa postface que "c’est à partir de ces révélations que le livre a été bâti, et [que] le récit est aussi exact que possible". Nous sommes au cœur du "roman-vérité" cher à Truman Capote. Les faits parlent d’eux-mêmes, tenant lieu de trame à une histoire sans fiction dans laquelle l’écriture sèche, réaliste et quasi journalistique de Mailer, évoquant la tonalité d’un certain Hemingway, peut donner toute son ampleur.

Mais ce n’est sûrement pas seule affaire de rhétorique ou de stylistique si Mailer s’est emparé de pareil sujet. Dans "L’Amérique. Essais, reportages, ruminations", cet enfant terrible de la littérature américaine déclarait en effet : "relisant la majorité de mon œuvre (…) il devenait apparent que la plupart de mes écrits portaient sur l’Amérique. Combien j’ai aimé mon pays - c’était évident - et combien je ne l’ai pas aimé du tout !".

Car Mailer, qui verra ses ouvrages être récompensés par le prestigieux prix Pulitzer à deux reprises dont une, en 1980, pour ce même Chant du bourreau, n’a rien d’un individu tiède ou consensuel. Tout à la fois romancier, chroniqueur de presse, metteur en scène, scénariste, politicien à ses heures (considéré comme partisan d’une gauche radicale, il tentera en 1969 de briguer la mairie de New York), l’artiste (né en 1923 et disparu fin 2007) se voulait engagé et ne cessera, dans chacune de ses activités, de disséquer son pays avec une lucidité acerbe et combattive. Fustigeant ses travers, excès et insuffisances avec force colère et véhémence, sans crainte de déclencher les polémiques les plus vives. Rien d’étonnant donc à ce qu’il se soit saisi du cas Gilmore, en bien des sens paradigmatique de ces dérives…

De fait, retracer le destin de ce dernier ne se résume pas pour Mailer à affronter de plein fouet le débat sur la peine de mort. Tel est certes le point focal de l’histoire, soulevé avec une intensité d’autant plus vive et poignante qu’elle n’est pas théorique mais se concentre sur un individu X, avec la part de compassion et de mansuétude ce que cela comporte quasi inévitablement. Ce bougre de Gary, humain trop humain, est, en dépit de son passé et de son caractère controversé, à bien des égards touchant et attachant…

Mais "l’affaire", d’une complexité foisonnante, offre en outre à notre auteur l’occasion de dresser un portrait saisissant de la communauté américaine contemporaine, dépeinte comme submergée, malmenée jusqu’à l’absurde par les contradictions internes qui la sous-tendent. À commencer par l’injustice sociale qui la ravage. Nicole, Bessie, Gilmore enfant : tout ce petit monde survit tant bien que mal dans un monde impitoyable, où il ne fait pas bon être né du mauvais côté de la barrière. Où il n’est guère aisé, pour qui n’a pas de liens solidement établis avec le pouvoir ou la haute bourgeoisie, de s’accrocher encore et de ne pas désespérer : les biens péniblement acquis ne le sont jamais que de façon éphémère, les revirements de situations et positions éventuelles toujours possibles, et les traditionnelles valeurs "travail-famille-patrie" tellement vantées guère synonymes de bonne fortune venue ou à venir. On est loin, très loin du Rêve américain… La faute, peut-être, à un système dépassé, largement oublieux des individualités qui la composent. Les hôpitaux psychiatriques, par exemple, se restreignent essentiellement à vastes asiles plus coercitifs que curatifs, où l’on parque les patients pour mieux les délaisser…

Un système inopérant donc, parce que totalement insuffisant. Dans le cas de Gilmore, comment survivre à 12 ans de prison successifs, lorsqu’on a qui plus est commencé à fréquenter les maisons de correction dès l’âge de 14 ans, et que l’on sort de tout ce temps d’incarcération sans un sous en poche ou presque, un suivi judiciaire réduit comme peau de chagrin et nul soutien psychologique, éducatif, social ou professionnel adapté ? Choisir un nouveau jean dans un magasin, aller boire une bière dans un café, renouer des relations sociales à peu près stables : tout pose problème alors, tout est à réapprendre, et dans cette jungle urbaine, malgré la bonne volonté de quelques-uns on est seul, absolument seul, abandonné à soi et à ses vieux démons, qui tôt fait auront beau jeu de ressurgir… le constat est sans appel, sorti de la bouche-même de Gilmore : "la prison engendre le crime, elle n’en guérit pas…"

Car cette société puritaine, assoiffée de vertus et volontiers prêcheuse de "bonne parole", traverse aussi une véritable crise des valeurs. Que penser d’un système de justice qui tarde à appliquer ses arrêts, souhaitant même foncièrement ne pas les mettre en œuvre ?... L’on tergiverse, l’on théorise, l’on parlemente de façon purement abstraite, sans tenir compte de la décision première de la Cour, sans respecter la résolution pleinement assumée du condamné de s’y conformer.

Par-delà la question de l’exécution capitale, c’est donc davantage encore le droit fondamental de tout être humain à décider librement de son destin que l’on refuse à Gilmore. C’est bien contre son gré que ses premiers avocats tenteront de faire appel - ce qui incitera le prévenu à les congédier immédiatement -, contre sa volonté à nouveau que des associations autoproclamées philanthropiques et charitables telles que l’A.C.L.U. et le N.A.A.C.P. essaieront par tous les moyens de le "sauver", ralentissant la procédure en se constituant partie civile et prolongeant d’autant sa souffrance et la longueur de son calvaire… Dépassé par son propre mythe en cours de construction, Gary devient le jouet malheureux de débats narcissiques focalisés sur eux-mêmes. Au nom de grands principes moraux, on a nié l’homme qu’ils étaient précisément censés incarner, protéger et défendre. La vertu s’est retournée en son contraire ; orgueilleuse et hautaine, sûre de son fait et de sa légitimité, elle est devenue hypocrite et avide.

Fielleux aussi, et d’une voracité particulièrement âpre, se montreront les médias au cours de cette bataille. Ceux-là même que Mailer, dans son essai sur l’Amérique précédemment cité, déclarait avec un brin de provocation détenteurs de "l’hégémonie du médiocre", dévoileront sans vergogne leur vrai visage, cupide et méprisant. La presse court après le scoop sans aucun respect pour la dignité du prisonnier et le chagrin de sa famille.

Plus noir encore, le cynisme étalé des agents, écrivains et producteurs de tous bords qui, s’intéressant bientôt au sort de Gilmore non en raison de nobles idéaux mais au regard de l’émoi croissant qu’il suscite auprès du pays tout entier, lutteront à coups de contrats plus exorbitants et captieux les uns que les autres pour obtenir les droits d’édition et de reproduction télévisuelle ou cinématographique de sa vie. Moins qu’un être vivant fait de chair et de sang, le détenu devient le héros d’une saga à fort potentiel d’audimat. Autrement dit, une valeur marchande objectivée sans complexe, un produit consommable - et donc négociable, échangeable, jetable - aux juteuses perspectives, dont il importe de se saisir à tout prix… On s’attache à lui, certes. Mais l’histoire vaudrait tout-de-même plus encore, si pour finir il en venait à être véritablement exécuté…

L’ouvrage n’a rien de manichéiste. Gary n’est pas une brebis innocente lâchée en pâture à des loups sans pitié. C’est un meurtrier à l’intelligence redoutable, capable de manipulation, de chantage et de corruption. Il a commis le pire, et dans son désir de mourir prévaut autant que le repentir le désir profond de ne pas souffrir plus longtemps en subissant le reste de sa vie en prison - car il est jeune, âgé d’à peine 36 ans... Certes affamée, la meute qui le suit pas à pas jusqu’au dénouement de son histoire est parfois aussi capable de doutes, de remords, d’affliction sincère et douloureuse.

Au-delà de l’individu Gilmore et de la compassion qu’il inspire, au-delà du fabuleux cas d’étude qu’il représente avec ses richesses, ses langueurs et ses failles, c’est l’insupportable oppression de tout un système que Mailer pointe ici avec autant d’acharnement et désespoir. Dans sa course folle à l’emballement, rien ne semble plus pouvoir arrêter la grande machinerie capitaliste. Infimes fragments confondus dans la masse, les individus qui la composent s’y retrouvent le plus souvent noyés sinon broyés. Réduits à l’état d’abstractions isolées, ils ne sont plus en mesure d’interagir pleinement dessus, quel que soit l’échelon social auquel ils sont parvenus à se hisser. Dans cette société du spectacle, ils s’avèrent au mieux, petits pantins burlesques à l’agitation dérisoire, connus ou reconnus ; la marge de manœuvre dont ils disposent véritablement ne s’en trouve toutefois pas moins des plus ténues… Comment soutenir alors les plus faibles, les reconquérir, les réinsérer quant ils sont davantage que les autres encore exposés ? Que sont devenus les convictions et autres préceptes fondamentaux de la démocratie, lorsqu’on fait ainsi fi de l’entité humaine, lorsque libre raison et libre choix ne sont plus entendus ? Peut-on encore seulement parler de liberté ?...

La passionnante chronique judiciaire de Mailer se transforme. Dépassant les contours d’un procès X aux mille péripéties pathétiques, elle évolue avec gravité vers un essai résolument politique, aux résonances métaphysiques profondes. L’écrivain ne s’est pas contenté de relater, de transcrire. Donnant corps aux âmes prises, aux tourments de la chair, aux souffrances de l’esprit, il a fait vivre au contraire, sentir et vibrer. Plus de trente ans après les faits et leur mise en forme, l’œuvre continue de faire date. Posés au creux de la nature humaine, pressant ses faiblesses et ses contradictions intrinsèques, les échos existentiels glaçants de ce funèbre et mobilisateur Chant du bourreau trouveront sans nul doute encore à retentir pendant longtemps…

 

Myriam Aze         
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# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine

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Du côté de la musique :

"Génération (tome 1)" de Ambre
"Out" de Fishtalk
"Take a look at the sea" de Fontanarosa
"Venus rising" de Trio SR9 & Kyrie Kristmanson
"Perpétuel" de Vesperine
"Liminal status" de Watertank
"The great calm" de Whispering Sons
"Keep it simple" de Yann Jankielewicz , Josh Dion & Jason Lindner
Quelques nouveautés en clips avec Isolation, Resto Basket, Greyborn, Bad Juice, Last Temptation, One Rusty Band, We Hate You Please Die
nouvel épisode du Morceau Caché, consacré à Portishead
et toujours :
"Kit de survie en milieu hostile" de Betrand Betsch

"Let the monster fall" de Thomas de Pourquery
"Etat sauvage" de Chaton Laveur
"Embers of protest" de Burning Heads
"Sin miedo" de Chu Chi Cha
"Louis Beydts : Mélodies & songs" de Cyrille Dubois & Tristan Raës
"Arnold Schönberg : Pierrot lunaire" de Jessica Martin Maresco, Ensemble Op.Cit & Guillaume Bourgogne
"C'est pas Blanche-neige ni Cendrillon" de Madame Robert
"Brothers and sisters" de Michelle David & True Tones
"Prokofiev" de Nikita Mndoyants
"Alas" de Patrick Langot, Alexis Cardenas, Orchestre de Lutetia & Alejandro Sandler
"Symptom of decline" de The Black Enderkid
"Tigers blood" de Waxahatchee
"Not good enough" de Wizard

Au théâtre :

les nouveautés :

"Sonate d'automne" au Théâtre Studio Hébertot
"Frida" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses

"Preuve d'amour" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Après les ruines" au théâtre La Comète de Chalons En Champagne
"Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Royan, la professeure de français" au Théâtre de Paris
Notes de départs" au Théâtre Poche Montparnasse
"Les chatouilles" au Théâtre de l'Atelier
"Tant que nos coeurs flamboient" au Théâtre Essaïon
et toujours :
"Come Bach" au Théâtre Le Lucernaire
"Enfance" au Théâtre Poche Montparnasse
"Lîle des esclaves" au Théâtre Le Lucernaire
"La forme des choses" au Théâtre La Flèche
"Partie" au Théâtre Silvia Monfort
"Punk.e.s" Au Théâtre La Scala
"Hedwig and the angry inch" au théâtre La Scala
"Je voudrais pas crever avant d'avoir connu" au Théâtre Essaïon
"Les crabes" au Théâtre La Scala
"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
des reprises :
"Macbeth" au Théâtre Essaion
"Le chef d'oeuvre inconnu" au Théâtre Essaion
"Darius" au Théâtre Le Lucernaire
"Rimbaud cavalcades" au Théâtre Essaion
"La peur" au Théâtre La Scala

Une exposition à la Halle Saint Pierre : "L'esprit Singulier"

Du cinéma avec :

"Le déserteur" de Dani Rosenberg
"Marilu" de Sandrine Dumas
"Que notre joie demeure" de Cheyenne-Marie Carron
zt toujours :
"Amal" de Jawad Rhalib
"L'île" de Damien Manivel
"Le naméssime" de Xavier Bélony Mussel
"Yurt" de Nehir Tuna
"Le squelette de Madame Morales" de Rogelio A. Gonzalez

Lecture avec :

"Hervé le Corre, mélancolie révolutionnaire" de Yvan Robin
"Dans le battant des lames"' de Vincent Constantin
"L'heure du retour" de Christopher M. Wood
"Prendre son souffle" de Geneviève Jannelle
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"L'empire britanique en guerre" de Benoît Rondeau
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