Soliloque
d'après Raymond Cousse, mise en scène de Michel
Vivier, avec Jean-Charles Lenoël.
Sur une petite scène, trône un pupitre d'école
géant. Il est à la taille du "petit garçon"
qui rentre, Jean-Charles Lenoël, acteur élancé,
au regard bleu, aux cheveux blonds, courts et en pétard,
le pantalon trop court et maintenu par des bretelles. Il vient
parler du monde tel qu'il l'observe autour de lui : Les enterrements
dont les processions passent devant la fenêtre de sa chambre.
Le boucher qui tue les vaches et les petits veaux. La sœur
de Marcel qui a une "bête à poils" entre
les jambes. Le commis du boucher, qui s'enferme avec la sœur
de Marcel dans sa chambre. Le frère de Marcel, qui est
parti faire la guerre et ne reviendra pas. L'école. L'Église...
Tout cela, l'enfant y est confronté, mais il comprend
surtout l'importance de ces choses-là parce que les adultes,
ses parents, l'instituteur, le curé, essaient de l'en
préserver en lui interdisant de les voir ou en évitant
de lui en parler et de lui expliquer le pourquoi et le comment.
Alors il regarde le monde qui l'entoure par la fenêtre,
à travers le trou d'une serrure ou par-dessus un muret,
sans jamais qu'on lui fournisse les clés pour l'aider
à comprendre. Il déchiffre les scènes de
leur quotidien, avec son ami Marcel, avec leur sensibilité
d'enfants, à travers ce que les adultes leur ont dit
aussi, par image ou par des périphrases que les petits
prennent au pied de la lettre, mais "ce ne sont que des
mots".
Le texte, beau, parfois cru, souvent poétique, de Raymond
Cousse est débité rapidement, l'enfant est plein
de vie. Les scènes s'enchaînent les unes aux autres.
Son imagination est débordante.
La scénographie, minimale, laisse le champ libre au
talent d'acteur de Jean-Charles Lenoël. Servi par la mise
en scène énergique de Michel Vivier qui le voit
occuper la scène, tourbillonner autour du pupitre géant,
il endosse aussi le rôle des personnages adultes le temps
d'une réplique. Et c'est là que se révèle
le grand talent de l'acteur, il est capable de passer de ce
rôle d'enfant à celui d'un instituteur sévère
rien que par la force de son regard; ses yeux suffisent à
faire croire à son personnage sans qu'il ait à
appuyer ses effets, comme sait aussi si bien le faire Bruce
Willis à l'écran par exemple.
Dans la tente, dans laquelle était montée la
scène dans l'enceinte de l'ancienne gare reconvertie
en théâtre à Vitry-sur-Seine, les spectateurs
ont savouré ce texte, son interprétation, ce beau
moment de théâtre à la fois intelligent,
fin, drôle et émouvant. Une émotion soulignée
par les éléments jeudi dernier, par les premières
gouttes de pluie sur la toile de la tente et les premiers éclairs
d'avant l'orage, lors de la scène finale de ce superbe
spectacle à découvrir absolument. |