Deuxième et dernier jour de festival, avec un peu de retard Papier Tigre allume enfin les amplis de la grande scène. Le concert du trio nantais est très attendu… enfin par nous et quelques centaines de festivaliers au goût très sûr. Fidèle à leur indie-math-rock, Papier Tigre envoie lourd dès les premières notes. On n’en attendait pas moins d’eux. Avec deux guitares et une batterie précise et audacieuse, la puissance créative qui s’en dégage n’est pas sans rappeler celle de Fugazi, Shellac, 31 Knots ou encore Battles, particulièrement dans le jeu de guitare d’Arthur De La Grandière.
Le trio, n’ayant pourtant pas l’habitude de jouer dans si grand espace, ne faiblit pas et joue tendu jusqu’au bout. Avec ferveur, Eric Pasquereau entonne en fin de set le fameux titre-casse-tout "Restless Empire", issu de leur dernier album The Beginning And End Of Now. La foule, densifiée, applaudit chaudement et acquiesce du chapeau la prestation convaincante de ce groupe français à suivre absolument.
Direction la petite scène, aKa la scène de la Valette, pour découvrir ceux dont on parle, et particulièrement ici, puisque les deux expatriés londoniens John & Jehn, sont en fait angoumoisins (oui c’est moche, mais c’est bien ainsi qu’on qualifie les choses ou personnes relatives à Angoulême).
Gravement looké, le duo entame son set en formation guitare/claviers. La sauce prend tout de suite auprès d’un public acquis à leur cause. Pourtant, nous ne sommes pas complètement convaincus. Leur rock habituellement sombre, voluptueux et rugueux à la fois, perd de sa superbe au (non) profit d’un rock plus gadget (trop de claviers ?) et plus électro (trop de claviers) ? Heureusement, après quelques titres Jehn enfourche sa basse, rendant au groupe son style rock simple, noisy et efficace.
S’en suit le groupe blockbuster Cold War Kids.
Un des avantages des festivals, c’est de pouvoir découvrir à moindre frais de grosses formations mainstream qui n’attisent habituellement pas notre curiosité.
Bon, pas de bol, notre optimisme et notre bonne volonté ne sont pas récompensés cette fois-ci. Du gros rock américain taillé pour les stades, sans personnalité et sans âme.
Pire, les types font le boulot sans aucune conviction, puisqu’à part le chanteur qui fait à peu près bonne figure, le reste de l’équipe tire clairement la tronche. Bref, passons.
C’est avec une certaine curiosité et pour être franc, avec encore plus de scepticisme, que nous rejoignons la petite scène pour découvrir Zone Libre VS Casey & Hamé. Ce split-project n’inclut pourtant que des grands noms : Serge Teyssot-Gay (Noir Désir), Marc Sens (Yann Tiersen band), Cyril Bilbeaud (ex Sloy), et Casey & Hamé (La Rumeur).
Hamé ne sera pas présent ce soir, puisqu’hyper actif, le rappeur doit gérer en parallèle d’autres projets. C’est donc un autre artiste, B. James qui prend le micro aux côtés de la rageuse Casey.
Mais peu importe, car quelle claque ! Les riffs incisifs de Teyssot-Gay portent on ne plus justement le verbe acerbe des deux rappeurs. L’osmose est évidente, le mélange idéal et l’énergie communicative. On ne peut qu’être convaincu et touché par l’intelligence et la cohérence musicale de ce projet mélangeant rock et hip-hop rageur. Après une telle prestation, nous nous en voulons d’avoir eu tant de doutes quant au bien fondé de cette mixité musicale. Cons de préjugés, cons de nous…
Toujours dans l’exaltation de cette heureuse découverte, direction La Garden Stage pour les plus conventionnels The Ting Tings. Nous les avions découverts en live lors du dernier festival des Inrocks. Et on se souvient d’avoir été agréablement surpris par le duo. Qu’en sera-t-il ce soir ?
Après une petite introduction de la blonde chanteuse, nous expliquant que "son français est mwerdique" (le reste du discours, nous ne l’avons effectivement pas compris), le duo se lance dans ce qu’il sait faire de mieux : faire danser les foules. Leur pop-électro-rock tubesque jouée avec une joyeuse énergie, fait cette fois encore très bien le boulot. "Great DJ", "Shut Up And Let Me Go", "That’s Not My Name", un enchaînement de petites sucreries que la foule déguste avec plaisir. Extrêmement sympathiques, les Ting Ting sont toujours aussi agréables à voir et à entendre.
On continue notre route, mais cette fois-ci, on ne rigole plus. Au placard le bubble-gum rose saveur fraise-framboise. Place au Rock N’ Roll ! Le vrai, le poilu, le tatoué, celui qu’on qualifiait autrefois de musique du diable. Et pour ceux qui ne savent toujours pas pourquoi, The Jim Jones Revue se propose de donner une très bonne explication. Sexy, violent, transcendant, hypnotisant, transpirant, sale. Grrrrrrrr ! La bête est bel(le) et bien réveillée !
Autour, les gens sont dingues. Ils ne dansent pas, ils se secouent comme des possédés au son des guitares hurlantes, du piano fou, de la batterie féroce et de la voix écorchée du gourou Jim Jones. Le fantôme de Little Richard n’est pas loin, c’est d’ailleurs ce qu’on pourrait reprocher à la formation mais qu’importe ! Il n’est pas question de réfléchir pour le moment, mais bien de prendre du plaisir !
Retour sur terre, un peu brutal d’ailleurs, puisque les organisateurs annoncent officiellement l’annulation du concert de Santigold, la demoiselle ayant un gros mal de gorge. Pas que nous soyons ravagés par la déception, loin de là, mais il est vrai que nous étions curieux de découvrir le phénomène touche-à-tout anglais. C’est donc Mix Master Mike & Rahzel, normalement programmés bien plus tard dans la nuit, qui remplacent au pied levé la souffrante. Terrain totalement inconnu en ce qui nous concerne, puisque les deux messieurs sont DJ. Mix Master Mike, DJ officiel des Beasties Boys et Rahzel n’est autre que le Human Beat Box des Roots. Difficile pour nous de supporter les bootlegs et aux massacres musicaux (pitié, laissez "Killing In The Name" à Zach De La Rocha), nous nous dirigeons donc vers le stand des fouées aux rillettes de thon… sûrement bien meilleures performers.
Viennent ensuite ceux qu’on attend avec impatience. TV On The Radio. Les albums, comme les prestations live des new-yorkais, sont d’ores et déjà entrés dans l’histoire (David Bowie, lui-même, avait encensé leur indispensable premier album).
C’est dans une obscurité quasi absolue que Tunde Adembimpe, de sa voix de velours, lance le show. Merveilleuse fusion de free jazz, de post-rock, de psyché et de soul, TV On The Radio reste fidèle à son univers. Trop ? Peut-être.
Le set est irréprochable, pourtant nous sommes un peu moins enthousiastes qu’à l’accoutumé. Mais la réconciliation est totale, au moment de leur sublime "Staring At The Sun", interprété magistralement en conclusion de set.
Avant dernier concert rock du festival, Gossip entre en scène sous les hurlements de fans agglutinés. Beth Ditto, superbe dans sa robe moulante blanche à motifs, ne va encore pas s’économiser ce soir. Le set est on ne plus rodé, le groupe avance sur des rails c’est évident, mais en mettant ça de côté, il y a de quoi passer un bon moment.
Le public ne boude d’ailleurs pas son plaisir, que ce soit sur "Heavy Cross", ou sur l’indispensable "Standing In The Way Of Control". Comme d’habitude, la belle pulpeuse s’amuse à nous taquiner en reprenant quelques notes d’un titre culte. Cette fois-ci, ce sera "Psycho Killer" des Talking Heads. La dame a du goût.
Pour la deuxième fois du week-end, The Night Marchers remonte sur scène. Mix Master Mike & Rahzel ayant déjà accompli leur tâche en remplacement de Santigold, le groupe de San Diego se propose donc de jouer les redondants. Ni plus, ni moins que la veille, les garçons balancent sans temps mort leur garage-punk sans finesse ni réelles aspérités. Malgré tout, on savoure ces dernières notes d’énergie rock du week-end.
Le grand final du festival se fait donc, comme il se doit avec un artiste électro, Etienne de Crecy. Pour qu’une ultime fois, le public se défoule devant l’immense et désormais célèbre Rubik’s cube lumineux de l’artiste.
Voilà, c’est fini, comme dirait Jean-Louis. Cette quatrième édition de la Garden Nef Festival aura connu une nouvelle fois un très beau succès : 18 000 personnes sur deux jours. Pas suffisant pourtant, pour que le festival équilibre les comptes.
On espère malgré tout que celui-ci pourra vivre longtemps, puisqu’il est, à tous points de vue, d’une rare qualité. Tant par les choix musicaux faits par les programmateurs (une sélection de petits groupes créatifs à découvrir, et des têtes d’affiches efficaces et cohérentes), que par sa responsabilité écologique. Et le lieu bien sûr ! La ferme des Valettes, au pied des remparts d’Angoulême. À croire que la nature avait spécialement dessiné le site pour y accueillir le festival !
Bref, vivement l’année prochaine et longue vie à la Garden Nef Party ! |