Les multiples influences de Moby que sont l’électro, la pop-anglaise, le rock indépendant et intimiste, désignent autant de couches musicales pour composer une musique mutante, qui ne cesse de bouger depuis le succès de l’album Play en 1999.
La réputation du chanteur – c’est-à-dire la somme des malentendus entretenus autour de sa personne – n’a depuis cessé de grandir, d’abord par son statut de "pop-star anonyme", aussi par ses engagements politiques (dignes) et religieux. Ce descendant d’Herman Melville aurait très bien pu s’appeler Bartleby, en raison de son refus de composer avec les facilités mercantiles de son temps : par une résistance passive puisque, pour cet album, il a "préféré ne pas" s’adapter aux demandes du marché. Wait for Me a été produit et mixé dans la plus grande liberté, avec l’aide de Ken Thomas, fameux mixeur de Sigur Rós.
Résultat : l’album surprend par sa tonalité intimiste, calme, par ses arrangements aux harmonies lentes, par sa texture mélodique atmosphérique et son ancrage trip-hop – il n’est pas exagéré d’invoquer à ce sujet la mélancolie de Craig Amstrong ou l’inventivité de Air.
Wait for Me porte aussi les empreintes de David Bowie : pour s’en convaincre il suffit d’écouter les intonations de "Mistake" comme autant de clins d’œil au meilleur Bowie. Parrainage prestigieux mais assurément revendiqué par l’auteur qui, d’ailleurs, réside depuis plusieurs années à New York, en bon voisin et ami du Ziggy magnifique.
Autre élément remarquable : la réalisation du clip du morceau instrumental, beau et complexe, qu’est "Shot in the Back of the Head" par David Lynch, qui en a dessiné les animations sombres et dépouillées. Ce choix procède moins du hasard que d’une passion qu’a toujours eue Moby pour le réalisateur : on se rappellera du single "Go" (1991) dont la ligne de basse constitue un sample du thème principal de la série Twin Peaks. Voici une association prometteuse qui mérite le plus grand respect…
Au final, Wait for Me est ce genre d’album addictif qui séduit d’emblée, avec fort risque de dépendance la première semaine. Gageons qu’il s’agisse bien là de l’album de la maturité. |