Les oreilles des festivaliers se remettent à peine des déluges sonores qu'elles ont dû supporter la veille qu'il faut déjà remettre le couvert avec, sur le thème du bruit et de la mélodie, une merveilleuse conférence du musicologue averti et amoureux de la route du rock, Christophe Brault.
L'expert en musiques actuelles nous retrace en version sonore et illustrée l'histoire du bruit dans la musique et retrace par là même tous les amours du festivalier malouin du Velvet aux Fuck Buttons en passant par les Boo Radleys.
Une leçon magistrale mise en application quelques minutes plus tard avec The Present. Trop expérimental pour de nombreux spectateurs qui se précipiteront aux portes, le concert du combo de Rusty Santos gagnait à être savouré en longueur pour bien profiter des moments bruitistes déjantés mêlés à des mélodies quasi-pop avec des voix éthérées du plus bel effet. Du bruit encore du bruit mais cette fois, on entend les voix...
Au Fort Saint-Père, après le déluge sonore de la veille, la soirée du samedi soir semble, à l’heure du coucher du soleil, plus tranquille. Ou mélodique diront certains. Si l’on devait caricaturer le samedi, c’est la journée des femmes : St. Vincent, Peaches, The Kills, Camera Obscura...
Mais détrompez-vous, à l’exception peut-être du dernier groupe, les particules électriques volent dans l’air maritime. Et tout débute avec St Vincent, l’américaine est venue seule, alors qu’on l’espérait accompagnée de son backing-band. Crise économique, réduction des coûts ? Bleue et rouge, dans la tenue, Annie Clark impressionne, même isolée, à la guitare pour présenter les compositions de Actor out of work, son deuxième album. Entre ballades acoustiques et dérives énervées, Annie n’aime pas que les sucettes, c’est d’autant plus palpable sur l’incroyable reprise de "I dig a poney des Beatles", tout en guitare, névrotique, tout simplement génial, comme si Clark se prenait des décharges électriques, à intervalles réguliers, dans l’arrière-train.. La foule est éparse, vu l’heure, mais le concert de St Vincent d’ouverture laisse présager d’une belle soirée sous le signe de la popsong pas gnangnan.
Les répétitions du matin avaient promis beaucoup d’espoir, notamment la reprise smooth de "I put a spell on you", et lorsque The Kills entre en scène à 23h20, VV et Hotel déclenchent immédiatement l’hystérie du public.
Clairement annoncés comme la tête d’affiche de la soirée, le duo c’est tout d’abord un son, une esthétique, une sensualité borderline. Puis un set qui compile le meilleur des trois albums, piochant autant dans le chef d’œuvre (No wow) que dans le dernier album (Midnight Boom). Moins métalliques (dans le son de guitare) que sur la précédente tournée, The Kills louche tranquillement vers un rock plus apaisé, digéré, parcouru de soubresauts épileptiques. Quelques problèmes de sono plus loin, la tension se perd, le sentiment de danger se dilue comme un glaçon sur la plage. Dommage. Reste quand même un vrai et grand moment, où comment arriver à tenir une foule en haleine avec une seule boite à rythme et deux cœurs qui battent. Final – logique – sur la reprise de Screamin’ Jay Hawkins, pas forcément la meilleure prestation de The Kills, on attend le prochain album très rapidement.
Unique conférence de presse de la journée, et donc très attendue, la canadienne Peaches débarque sous la tente à 22h30, sous le regard globuleux d’une presse un peu atone. Sont-ils là pour prendre des photos, sont-ils là pour voir le phénomène de foire à paillettes qu’est devenue la berlinoise d’adoption ou tout simplement pour discuter du nouvel album I feel cream ?
En écoutant les premières questions-réponses, on serait tenté de dire que les clichés sont de rigueur : questions sur la provocation, sur le féminisme, débat stérile sur "plutôt électro ou plutôt rock", Peaches répond du tacotac, toujours juste, toujours droite dans ses bottes (à paillettes). A la question "avez-vous des cadeaux, des bonus, des fiches cuisine ou un guide pour faire ses vêtements soi-même, lorsqu’on n’a plus d’argent pour s’acheter un album après avoir acheté sa place pour un festival ?", Peaches répond tout en branle "non, mais je connais un guide pour te foutre un tampon dans le cul". Hilarité, malaise. "Et vu ton poids, tu pourras au moins en mettre deux". Et tac, pour le journaliste de Rue 89 ! La conférence de presse se finit tant bien que mal sur l’importance des interviews lorsqu’on est popstar, du nouvel album plus aventureux… Une conférence de presse classique et sans aucun intérêt. "Why don’t you talk to me", le nouveau single de Peaches, se trouve fort à propos.
Deux heures plus tard, la belle quarantenaire entre en scène, déguisée en poule (de luxure ?) et c’est tout de suite l’envolée du public, porté par les rythmes discoïdes (kraftwerkien ?) de la canadienne. Groupe à cheval entre Kiss et LCD Soundsystem, autant de paillettes que de rimmel, tout le monde s’en prend plein les yeux. Après un long bain de foule héroïque que n’aurait pas renié Iggy Pop, le show atteint son apogée sur la fin du set, avec le super single "Why don’t you talk to me", qui finit de convaincre. Au sortir de cette deuxième soirée, Peaches est pour l’instant la grande gagnante, sorte de Rocky Balboa en soutien-gorge.
Fin de soirée, lente descente, on se pose vingt minutes sur le set synthétique de Four Tet, seul au laptop pour lancer ses prods’ pleines de beat. La foule réagit lentement (fatiguée ?), quelques problèmes de son entravent les préliminaires, c’est peut-être le moment pour s’éclipser… jusqu’à demain ?
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