Le dimanche 16 août, retour au Palais du Grand Large. Le programme commence avec Telepathe, deux filles et un mélange de voix cristallines sur une musique électro. C’est un peu dans le style des Bat for Lashes, une musique où la batterie domine les rythmes électro. A la fois une puissance ethnique et une modernité envahissante. Le public n’en perd pas une miette. Telepathe s’est imposée en ce début d’après-midi sous le soleil. La Route du Rock, question climat, aura été gâtée : pas la moindre averse, des nuits plutôt fraîches et des après-midis lumineux ou couverts.
Gang Gang Dance, le groupe suivant, arrange les mêmes ingrédients : percussions en avant et rythmes électro. Et un drôle de mec sous une capuche, un drapeau noir à la main hante la scène tel un spectre d’Elseneur, mais en vain. Gang Gang Dance lassent plus qu’ils n’entraînent, ils ne sont pas dans le jus. Les gens commencent à changer de crèmerie. On retiendra Telepathe et pour Gang Gang Dance, on repassera, pas convaincue. On vire au Saint-Père, dans un car, bien plus bruyant qu’à l’accoutumé.
J’arrive pour Andrew Bird. On n’aurait pas forcément imaginé que l’artiste au violon et qui sifflote se révèle un groupe de rock puissant. On le savait inventif, touche à tout, il joue de la guitare, du xylo, en plus du violon. Il se promène dans les genres avec la même agilité : celte, electro, folk, guitare en free style et une sirène de pompier pour enrichir le tout. Andrew Bird, alors que le jour disparaît, est passionnant sur scène.
Dominique A avouait qu’il avait le trac d’être au milieu de Bill Callahan, Andrew Bird et Grizzly Bear, et puis d’être le seul français. Sa prestation fera la démonstration qu’il y avait amplement sa place.
Seul en scène, avec la guitare et la boite à rythme, Dominique A est toujours ce pirate solitaire et élégant de la scène française. Musclé et habillé de noir, il irradie. Faisant une large part au dernier album, il insuffle un érotisme puissant dès les premiers titres : "Bel Animal", "La peau". Il nous offre même un cadeau, le nouveau morceau intitulé "Manset", hommage au taciturne légendaire, pour une évocation d’une scène familiale qui me rappelle l’ambiance de Combat Ordinaire de Larcenet.
Rock’n roll et BD, c’est aussi la couverture d’un numéro du magazine Abus Dangereux que j’ai déniché dans les bacs des labels indépendants sur la gauche. Part belle à la sous culture des fanzines et des groupes de caves de France et de Navarre (vous saviez qu’il existe une fanzinothèque à Poitiers, vous ?).
Revenons à Dominique A qui conclut avec "Le courage des oiseaux", avec une sincérité poignante : "si seulement nous avions / le courage des oiseaux / qui chantent / dans le vent glacé". Autre déclinaison de l’Albatros de Baudelaire, n’est-ce pas ?
Après les oiseaux, l’ours avec Grizzly Bear, et un public qui s’est dessiné des moustaches de chat. Trois ans après un premier passage à la Route du Rock, ils reviennent précédés cette fois par une réelle attente du public. Mélodiques, ils jouent un rock psychédélique, atmosphérique. Ils auront aimé Telepathe et Gang Gang Dance. Très chantés, leurs morceaux sont un peu dans le style des Bee Gees.
J’ai vite focalisé sur la batterie, pièce maîtresse et d’un jeu sans cesse renouvelé. Grizzly Bear imposa tranquillement son style un peu à part dans la programmation. Plus éthéré que bruyant, plus évident que cérébral, il confirme le pari de la Route du Rock. Une nouvelle preuve de leur talent à repérer les bonnes pousses.
Simian Mobile Disco est, comme son nom l’indique, du disco qui rend mobile (et qui rend singe ?). Pour de bonnes raisons : le Fort est devenu Dance Floor (Dance Fort ! ah ah ah !) pour une party electro, rave party improvisée. Et pour de mauvaises raisons, c'est-à-dire que j’ai pris, tout aussi tranquille qu’une mélodie des Grizzly Bear, la tangente.
François Floret dira dans Ouest France que la 20ème édition n’est pas compromise. Ce week-end le festival a rassemblé 15 000 fidèles de la scène rock la plus pointue. Hommage lui soit rendu et qu’il soit exaucé : Arcade Fire au programme de la 20ème Route du Rock. Fingers crossed !
PS : Une visite s’imposait encore : la tombe de Chateaubriand au Grand Bé à Saint-Malo.
Le grand homme savait-il que rien ne conviendrait mieux aux Bloody Valentine que le célèbre extrait de René : "Levez-vous vite, orages désirés…" |