Qu’il doit être triste lorsqu’on vient d’Anvers et que l’on joue de l’un de ces rocks que l’on doit bien dire "indépendant", pour faire comprendre qu’il n’est pas "hard", "& roll" ou "à Billy" ; lorsqu’on a pour chanteur un Philip Bosschaerts au timbre si proche de celui d’un certain Tom Barman – qu’il doit être triste, alors, d’être toujours comparé à dEUS.
C’est que les grands noms ne manqueraient pas, pourtant, issus de la scène belge, si l’on voulait à toute force parler de Mintzkov à travers les notes des autres, tout en diversifiant, avec un peu de fantaisie, ses références. On pourrait par exemple convoquer Ghinzu et son incontournable Mirror Mirror ou Venus, dont l’impérial et testamentaire The Red Room mériterait d’être plus souvent cité – pour ne citer que quelques unes des productions récentes les plus abouties.
Plus aventureusement encore, on pourrait imaginer parler de Mintzkov en ne parlant que de Mintzkov. On rappellerait alors que le groupe n’en est pas tout à fait à son coup d’essai, puisque son premier album, M for Means and L for Love date déjà de 2003 (sous le nom Mintzkov Luna). Et 360°, qui trouve enfin à se faire distribuer en France, est sorti en Belgique et en Allemagne dès 2007, où il a rencontré un succès notable (pour autant qu’être élu "album de l’année" par la presse de son pays puisse être une marque de succès, bien évidemment).
Mais la folie suprême ne consisterait-elle pas à parler de Mintzkov au présent ? Baste du passé et de ses palmarès, il est temps d’écouter l’album. Force est de reconnaître qu’il mérite le détour, largement.
La formation se revendique d’une approche binaire du rock. Rien n’est moins sûr, avec Mark Freegard aux manettes. Mark Freegard ? Vous lirez partout qu’il a collaboré avec les Breeders et les Manic Street Preachers. Mais il faudra chercher un peu plus loin pour se souvenir qu'il a également produit ou mixé Ride, Marillion ou les Cranes – gage d’une capacité à s’approprier des ambiances complexes qui devrait déjà nous mettre la puce à l’oreille.
Binaire, Mintzkov ne l’est que faussement. Bien sûr, la rythmique est souvent implacable, soutenue par la basse ronde de Lies Lorquet, dont le jeu rappellera peut-être parfois celui de Kim Deal, époque Breeders (alors que son chant, s’emmêlant à celui du chanteur, rappellera parfois les façons de Kim Deal, époque Pixies, lorsqu’elle donnait la réplique à Franck Black). Mais si les lignes mélodiques sont souvent très directes, tout en simplicité et en répétition, c’est pour mieux donner à l’ensemble l’évidence de la densité. Mintzkov ou la science d’une certaine lourdeur, où la saturation épouse la modération (relative) du tempo. Rock instable, inamovible en apparence mais en réalité toujours prêt à muter, changer inexplicablement, irradié de pop.
Sans verbeuses ambages : 360° est un excellent album, bien plus riche qu’il peut n’y paraître à première écoute. Par sa façon de se faire évocateur sans avoir l’air d’y toucher, de puiser avec des airs de gros dur tatoué dans le registre de la sensibilité la plus intime de l’auditeur, il pourra même rappeler les meilleurs moments de Dinosaur Jr. Sensation étonnante. Comme si un biker se chargeait de votre psychanalyse / confession, rayon "blessures d’amour jamais refermées".
Finalement, n’est-ce pas au futur que l’on parlera le mieux de Mintzkov ? Un futur qui pourrait bien s’écrire en lettres capitales, tant la formation est prometteuse – peut-être l’un des futurs grands de la scène rock continentale. Une tournée européenne et un troisième album sont d’ores et déjà en préparation, qui permettront d’en juger sur pièce. |