Deux heures avant son
retour à Paris à la Maroquinerie, le génial
Adam Green recevait Froggy Delight dans sa loge pour un bilan sur
les derniers mois écoulés.
Lorsque l’on s’était vu
en juin dernier, ton nouvel album "Friends Of Mine" était
sur le point de sortir, mais on n’avait pas eu suffisamment
le temps d’en parler. Comment expliquer donc cette évolution
par rapport à "Garfield"?
En fait, il faut bien comprendre que "Garfield"
a été enregistré au même moment et avant
l’album des Moldy Peaches … ce qui commence à
dater. "Friends Of Mine" est donc le premier truc sorti
depuis que je fais des tournées. J’ai donc eu le temps
d’apprendre beaucoup de choses depuis ce moment-là
: j’avais 19 ans, je n’avais jamais joué un seul
show de ma vie.
Quand j’ai enregistré "Friends Of
Mine", j’avais fait des centaines de concerts autour
du monde, c’est complètement différent. Je pense
aussi que mes goûts ont changé entre temps. Je m’efforce
désormais de chanter correctement, je pense être devenu
un meilleur chanteur car je me suis beaucoup plus exercé.
Pour "Friends Of Mine", j’ai écrit des chansons
d’une façon plus mélodique en commençant
à accorder une attention sur le phrasing, à respecter
des chanteurs comme Frank Sinatra, Scott Walker, The Doors, Chet
Baker …Jacques Brel.
J’ai donc fait un disque plus romantique en
essayant de faire ressentir aux gens ce que cette musique me faisait
ressentir. Voilà pour le background.
L’autre chose importante est que pour la première
fois de ma vie, j’ai eu un budget de la part de Rough Trade,
me permettant d’aller dans un studio professionnel, car tous
mes précédents enregistrements étaient faits
à la maison. J’ai pu engager des musiciens que je trouvais
vraiment bons, et puis on a fait ça : c’était
une opportunité énorme pour moi. J’ai trouvé
un bon ingénieur en Dan Myers, nous avons enregistré
tout l’album en 12 jours, ce qui est très rapide.
Même si l’emballage des chansons a changé
entre tes deux disques, tes paroles sont restées les mêmes,
où trouves-tu ton inspiration ?
Il y a beaucoup de sentiments dans les paroles et
parfois beaucoup de sentiments à l’intérieur
d’une même chanson … Mes sources d’inspirations
proviennent de plein de choses différentes, tout ce que je
vois autour de moi, ce que je peux imaginer, voir dans un film,
ce qu’un ami peut me raconter, les gens que je rencontre,
une fille que je connaisse …
"No Legs" ?
Le départ de"No Legs" provient d’une
histoire qu’un ami m’a racontée, et puis j’ai
trouvé ces vers décrivant les dysfonctionnements des
relations basées sur l’amour et la haine dans un environnement
new-yorkais …
As-tu déjà rencontré Jessica
Simpson ?
En vrai ? Non. J’ai vu des photos d’elle
dans un magazine et le lendemain j’ai écrit les premiers
vers de la chanson. Je ne savais pas sincèrement si j’allais
les réutiliser, mais j’aimais bien la mélodie.
J’ai d’abord pensé mettre d’autres paroles
dessus, mais une fois le refrain fait, j’ai trouvé
qu’une chanson sur Jessica Simpson le faisait tout à
fait (rires).
A l’automne dernier, tu as sorti cette chanson
en simple, tu pourrais m’en dire plus sur le choix des deux
reprises – "What A Waster" des Libertines et "Kokomo"
des Beach Boys – figurant sur le EP ?
La reprise des Beach Boys a été faite
avec Ben Kweller. J’ai tourné un moment avec lui et
on la faisait parfois ensemble en rappel à la fin de ses
shows. Quand je suis revenu de tournée, Rough Trade m’a
demandé des faces-b : celle là était parfaite.
A propos de la reprise de "What A Waster"
des Libertines : on est sur le même label, je suis allé
les voir quand ils sont passés à New-York. Après
le concert, on est rentré à leur hôtel pour
se retrouver à gratouiller et à chanter. Ils m’ont
donc appris à jouer "What A Waster" et Pete a changé
les paroles pour moi, car elles sont majoritairement en anglais
britannique, pleines d’expressions que nous n’avons
pas en Amérique. Ils m’ont dit qu’ils avaient
réservé un studio une semaine entière. J’y
suis allé le lendemain pour enregistrer avec eux : j’ai
joué "hat A Waster", ils étaient assis sur
des chaises à me regarder (rires). Ce
n’est qu’ensuite que l’idée m’est
venue de l’utiliser en face-b. Ils ont aussi enregistré
une reprise de "Who’s Got The Crack" des Moldy Peaches,
vraiment très drôle … je leur ai montré
comment la jouer.
Pour cette nouvelle tournée, tu joues avec
un groupe, à quoi va ressembler le show ?
Ben on sera cinq. Je ne fais que chanter maintenant,
plus de guitare, j’ai un guitariste acoustique, un bassiste,
un batteur et un claviériste qui joue sur piano électrique,
un truc très chouette utilisé dans les années
soixante.
Tu comptes jouer des titres des Moldy Peaches ?
Non je ne jouerai aucune chanson des Moldy Peaches.
Si tu m’as déjà vu en solo, tu sais que je ne
joue jamais ces chansons …
Oui … mais je me disais que peut-être
avec un groupe ?
Oui, mais … non …
Hum … Lors d’une interview à
l’automne dernier, Jeffrey Lewis nous confiait ses états
d’âme, le fait que son cœur balançait entre
BD et musique, qu’il se demandait s’il allait encore
faire ça pendant longtemps ... Qu’est ce que tout ça
t’inspire ?
En réalité, je me vois encore faire
ça assez longtemps. Jeffrey est un super dessinateur de BD,
c’est effectivement assez compliqué de choisir un domaine
sur lequel se focaliser : le grand conflit de sa vie, à savoir
s’il dessine des BD, chante ou fait les deux car il est autant
intéressé par l’un que par l’autre. C’est
vrai qu’il est plus payé à chanter qu’à
dessiner des BD. Je ne sais pas si tu as vu ses dessins mais il
est pour moi un des plus grands dessinateurs que j’ai vu de
ma vie, il est vraiment incroyable.
Personnellement, je ne ressens pas les choses de cette
manière, je fais aussi d’autres choses : peindre, dessiner,
écrire des histoires mais je n’ai jamais pensé
me focaliser dessus.
Sinon concernant tes projets, ton prochain disque
avance ?
Je m’y mets en revenant de cette tournée.
J’ai écrit plein de nouvelles chansons, j’en
jouerai d’ailleurs ce soir.
Et ce nouvel album sera dans le même esprit
que "Friends Of Mine" ?
Chaque fois que j’écris une nouvelle
chanson, j’essaye de la rendre différente de toutes
celles que j’ai déjà écrites, je ne pas
faire deux fois la même chose. Quoi te dire … ce sont
toujours des chansons romantiques, les mots s’adaptent toujours
très bien à la mélodie, je chante toujours,
les instrumentations seront à peu près les mêmes
que sur "Friends Of Mine", beaucoup de cordes, ce genre
de chose : ça ne me pose vraiment aucun problème de
travailler seulement avec un ingénieur sans producteur. Je
pense aussi qu’il y aura plein de piano contrairement à
"Friends Of Mine".
Et voilà c’est tout pour aujourd’hui, concert
parfait dans la foulée, suite des aventures d’Adam
Green dans un prochain numéro.
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