Pièce
chorégraphique conçue et interprétée
par Angelin Preljocaj sur le texte éponyme de Jean Genet.
Cette soirée du 3 septembre 2009, au Théâtre
des Abbesses, était un événement à
plusieurs titres. D'abord, c'était la première
soirée de la saison de danse 2009/2010 du Théâtre
de la Ville. Ensuite Angelin Preljocaj, 52 ans, était
sur scène en tant que danseur, lui qui, avant de monter
cette pièce, avait abandonné les planches pour
se consacrer à la chorégraphie pendant une vingtaine
d'années.
Preljocaj s'est imprégné du texte "Le funambule"
que Jean Genet avait écrit à son amant au point
de le faire sien. Ce texte, adressé à Abdallah,
acrobate, funambule dans un cirque, danseur sur un filin d'acier,
est une réflexion sur l'artiste de cirque, le danseur,
le rapport à son art, son narcissisme, son rapport au
public...
Preljocaj se glisse dans la peau non d'Abdallah, mais dans
l'image que Genet veut bien en donner.
Le spectateur ne verra donc finalement ni Abdallah ni Preljocaj,
mais sera invité dans un jeu un peu indécent à
deviner, par la danse et une scénographie de lumière
et d'ombres, quelle résonance le texte de Genet trouve
chez Preljocaj, double d'Abdallah.
Tout d'abord, le texte est récité. Le ton de la
voix est monocorde. L'artiste en équilibre entre danse
et texte. Le texte est austère, les mouvements du corps
le sont aussi. On retrouve la gestuelle d'une de ses pièces
"MC 14/22, ceci est mon corps", donnée la saison
dernière à l'Opéra Garnier, tout comme
le décor d'un autel blanc, sacrificiel à la danse
peut-être, sur lequel et sous lequel son corps se tord.
Au-delà de la performance artistique, c'est la scénographie
brillante de Constance Guisset qui donne son lustre à
cette pièce en la chargeant de références
et de symboliques visuelles. Dans des rouleaux de papiers tendus
entre le plafonds et la scène, rappelant au passage "Les
Paravents", le danseur s'enroulera, sans les déchirer,
les utilisera pour en faire un théâtre d'ombre,
ou les détruira au coutelas. C'est d'ailleurs à
raison qu'Angelin Preljocaj fit monter la jeune femme sur scène
pour partager avec elle les applaudissements à l'issue
de la représentation.
De cette pièce, on retiendra d'abord des images d'une
grande poésie, comme ce corps qui se déforme sous
l'autel par le jeu des lumières, les membres du danseur
qui se démultiplient dans un miroir, les paillettes d'or
qui s'envolent de son corps tournoyant ou la danse avec le couteau.
On retiendra aussi un texte qui invite le spectateur à
une réflexion sur ce qui lui est donné à
regarder et sur ce qu'il recherche dans la danse. On ne pouvait
imaginer une meilleur manière d'ouvrir la saison. |