Un
des autres habitants du "O
Bairro", microcosme panthéonique de l'écrivain
portugais Gonçalo M. Tavares, a pour patronyme celui d'un disciple de Descartes, sceptique
qui doute de tout et s'astreint à des rituels intellectuels
pour tout transformer en signes normés, pour que "le
chaos devient maniable par l’homme".
Il s'agit de Paul Valéry, poète et philosophe
constructiviste, qui inspire et soutend ce délicieux
"Monsieur Valéry et la
logique " ou l'histoire d'un petit bonhomme qui
sautait en l'air pour paraître plus grand et de ce fait,
tout en prenant de la hauteur en s'élevant au dessus
du commun des mortels, ne voyait plus la réalité
des choses.
Ce Monsieur Valéry, homme complexé, soucieux
de régler à l'aune de la logique sa vie et sa
représentation du monde - un bien petit monde circonscrit
à quelques rues autour de son quartier - s'enferre, à
partir de prémisses faux souvent générés
par un raisonnement binaire, tel entre les gouttes d'eau il
ne pleut pas, dans des démonstrations invalides qui confinent
à l'absurde et débouchent souvent sur des non
sens.
Comme pour son "Monsieur Calvino et la promenade",
Gonçalo M. Tavares, qui manie la plume avec une dextérité
peu commune et un sens certain du condensé littéraire,
rapporte en brèves séquences, qui sont autant
d'épisodes délirants de la quête valérienne
du bonhomme, les errements d'un esprit qui finit par tourner
à vide. C'est drôle et pathétique, cocasse
et inquiétant, et la curiosité du lecteur, sans
chercher à gloser sur les fondements et les modalités
de la logique, faute d'être un exégète de
Paul Valéry, toujours attisée.
L'opuscule illustré par des dessins imparables de Rachel
Caiano constituent des mini drames désopilants
qui remettent en question un certain ordre du monde. |