Animal Collective et la scène : une histoire nourrie d’amours passionnées ou de franche animosité avec son public. Question de point de vue. Tous les fans persévérants vous le diront pourtant : malgré le côté addictif des opus studio, la musique du quatuor devenu trio s’apprécie avant tout live. La preuve par dix.
10/08/2005, Guinguette Pirate (Paris)
Comment perdre sa virginité un banal soir de concert de weird folk en plein mois d’août aux abords de la Très Grande Bibliothèque ? Personne ne nous avait préparé à une telle commotion, rien ne laissait présager une telle claque. Ce que l’on nomme communément une révélation. Sûr de son fait, déjà au sommet de son art, le quatuor dispensait un set apocalyptique mêlant expérimentations héritées des premiers albums et riffs aussi mélodiques que surpuissants arrivés plus récemment dans leur répertoire. A l’époque, Avey Tare et Deakin brillent de mille feux, n’abandonnant que rarement leurs guitares. Geologist, lampe frontale vissée sur la tête et Panda Bear demeurant un poil en retrait. Animal Collective venait ce soir de quitter le statut de groupe en vogue dans WIRE, pour rejoindre notre cercle restreint des formations à suivre.
02/06/2006, Primavera (Barcelone (ES))
Dernier concert du vendredi. L’installation du matériel semble interminable tandis que la montre affiche plus de 3h du matin. En dépit d’une affiche gargantuesque, Animal Collective constitue pour nous le must du week-end. Car en dix mois, notre retard sur leur discographie pléthorique a été comblé ; Sung Tongs et Feels trustant d’ailleurs très fréquemment la platine. Rarement le groupe n’aura donné une telle impression de liberté, se jouant des codes, des habitudes, des styles. Fascinés, magnétisés, les quelques centaines de spectateurs répondent par des danses primales. Avec le recul, difficile d’imaginer que l’on entendait pour la dernière fois "Purple Bottle" et autre "Did You See The Words". Fin du set avec l’arrivée des premiers rayons de soleil sur la Méditerranée. La suite s’annonçait terrible mais teintée d’appréhension. Car comment imaginer dépasser l’insurpassable Feels ?
17-18/07/2007, Maroquinerie (Paris)
LE virage majeur de la carrière des natifs de Baltimore ou l’affirmation de la toute puissance de Noah Lennox. Deakin s’affiche pour quelques mois encore avec ses camarades, mais désormais sur le côté de la scène. Les machines vont remplacer durablement les guitares. Animal Collective nous offre ce soir la révolution en direct, une vision de la musique du futur. Définissant du même coup l’aune auquel tous les groupes essayent de se raccrocher depuis. Exit donc les tubes de Feels. Beaucoup plus électroniques, les nouveaux titres – lesquels viendront remplir les deux albums suivants – s’avèrent dès la première écoute terrassants : "My Girls", "Peacebone", "Brother Sport"… Pétri de certitudes et coincé de la fesse, le tout Paris passera à côté le premier soir. A l’exact inverse des tranches hédonistes d’un public de néophytes le lendemain. Une prestation dont on reparlera encore dans vingt ans.
24/10/2007, Cabaret Sauvage (Paris)
Le premier concert parisien à proprement parler de la tournée "Strawberry Jam". Ahurissant de voir le nombre de gens ayant fait le déplacement pour écouter une musique aussi abrupte. L’occasion unique de voir "Chores" ou "Unsolved Mysteries". Un concert littéralement époustouflant mêlant toutes les époques : passée ("Who Could Be A Rabbit", "Loch Raven", "Leaf House" et "We Tigers" en final décomplexé), présente ("Strawberry Jam") et future (les highlights de "Merriweather Post Pavillon"). Probablement le best ever.
18/05/2008, All Tomorrow’s Parties (Minehead (GB))
Première date de la tournée européenne. Le seul concert juste très bon sur ces dix prestations. Fraîchement arrivés, les new-yorkais prennent encore leurs marques ; le public peinant quant à lui à pénétrer dans leur univers. A noter néanmoins un "Peacebone" d’anthologie.
31/05/2008, Primavera (Barcelone (ES))
Deux semaines plus tard pour la dernière date de leur tournée européenne, Animal Collective se voit offrir la grande scène le soir de clôture. Public espagnol survolté, groupe déchaîné : la prestation ne pouvant que rester dans les annales. Plus encore étrangement que celle de 2006. Cerise sur le gâteau, une version inespérée de "Grass" en guise de final grandiose.
16/01/2009, Bataclan (Paris)
Merillwater Post Pavillon truste les bacs et les classements critiques depuis plusieurs semaines. Public globalement renouvelé, pour beaucoup, ce soir fut donc le baptême du feu. Une nouvelle fois, les américains divisent la salle, refroidissant en priorité leurs adeptes les plus récents le soir de leur consécration prévue. Prestation brillante au demeurant, l’occasion d’exulter une fois encore sur "Brother Sport". Eclairages aussi somptueux que discrets. Un vrai régal.
19/03/2009, Aéronef (Lille)
Le buzz retombe doucement tandis que l’obsession de Merriweather Post Pavillon grandit de jour en jour. Direction Lille pour accrocher au passage un bout de la nouvelle tournée européenne. Salle quasiment pleine, champagne au bar, public bon enfant faisant preuve d’une indispensable ouverture : impossible de rater une telle soirée. Meilleure version du monde de "Daily Routine" entendue ce soir là.
21/08/2009, Green Man (Glanus Park (GB)
Etrangement, le set le plus radical vu du trio. Totalement réinventé. D’immenses libertés prises dans l’interprétation, jonglant avec les boucles, donnant plus que jamais l’impression de les jouer. Le public ne pipe pas mot comme abasourdi par l’ouragan. Sur "Fireworks", c’est un Panda Bear étourdissant qui reproduit live les percussions de la version studio. Dans un éclair de lucidité, celui-ci relance une dernière fois la boucle de "Brother Sport" en final, donnant ainsi à la foule l’occasion d’évacuer sa frustration latente.
Après l’ATP à New-York en septembre, on annonce pour la fin de l’année un EP "Brother Sport" ainsi qu’une tournée en Australie. Mais comment le trio new-yorkais va-t-il envisager la suite ? Nouvel album ? Projets solos ou mise en demeure définitive d’Animal Collective ? |