Pour
cet été 2009, le Musée
Picasso de Barcelone a placé son espace consacré
aux exposition temporaires sous la signe de la couleur avec
une exposition monographique et rétrospective consacrée
à Kees Van Dongen, une des
figures majeures du Fauvisme considéré comme la
première des avant-gardes du 20ème siècle.
L'exposition placée sous le commissariat conjoint de
Jean-Michel Bouhours, conservateur
au Musée National d'Art Moderne du Centre Pompidou, et
Pepe Serra, le directeur du Museu
Picasso de Barcelone, propose, à partir d'une exceptionnelle
sélection d'oeuvres capitales, un nouveau regard sur
l'œuvre, tant picturale que graphique de Van Dongen, connu
du grand public surtout pour ses portraits de femmes au regard
lourdement cerné de noir.
La monstration se déroule selon un parcours chronologique
dans une scénographie épurée du Studio
Guri-Casajuana aux alternances et combinaisons de cimaises blanc
cassé, gris perle et gris taupe qui laissent vibrer les
toiles et scande l'évolution picturale du peintre et
son registre de prédilection qu'est le portrait féminin.
Du fauve sauvage et sensuel au peintre mondain
Contemporain de Picasso, Toulouse-Lautrec et Matisse, Van Dongen
arrive de Hollande avec une palette sombre et sourde propre
au traitement symboliste en clair obscur qui caractérise
les peintres du Nord dans le sillon de Rembrandt, même
si certaines toiles détonnent déjà comme
un très étonnant "Autoportrait en bleu",
comme vu à contre jour, et un très beau "Nu
dans un fauteuil" de 1896.
A Paris, il s'installe à Montmartre quartier populaire
et festif qui, en ce début de siècle, constitue
le lieu de prédilection des artistes désargentés
et le creuset du modernisme, où illustrateur pour des
revues satiriques et affichiste, il affine la maîtrise
de son trait ("L'escalier de l'Opéra") avant
d'emboîter le pas des néo-impressionnistes.
Un des points d'orgue de l'exposition consiste en la réunion
de trois des morceaux démembrés de la toile "Le
moulin de la Galette" qui a été exposée
au fameux Salon des Indépendants en 1906.
Les années fauve, avec la dominance des couleurs chaudes,
notamment les orangés lumineux, les jaunes profonds et
les rouges purs, comme ceux utilisés pour son autoportrait
proche d'un masque qui a été retenue pour l'affiche
de l'exposition, l'utilisation du cerne autour des personnages,
les aplats de couleurs pures, la simplification du motif et
le rejet de la perspective, sont les plus riches avec les portraits
féminins tous magnifiques : expressionnisme violent pour
les portraits en buste (" "Modjesko soprano",
"Portrait de la chanteuse de cabaret au tour rouge",
"Nini, la parisienne") et érotisme exacerbé
pour les nus impudiques où les femmes, tête révulsée
ou visage caché, sont célébrées
pour leurs chairs voluptueuses et leur abandon sexuel clairement
affiché ("Cocotte", "La jarretière",
"Nu blond").
"Les lutteuses du Tabarin" constituent également
une toile majeure et une salle est consacrée à
une série de variations de portraits de la compagne de
Picasso, Fernande Olivier, qui attestent de sa maîtrise
du trait et des différentes techniques.
L'homme du Nord se confrontera lors de voyages à la
sensualité torride des pays du Sud, de l'Espagne à
l'Egypte, qui lui inspireront des toiles emblématiques
("Femme avec pigeons et le châle espagnol",
"Lucie la mulâtresse", "Emilis Navarra
Sevilla","La sirène espagnole").
Avec les années folles, même si est exposé
une petite nature morte "à la Cézanne",
le périple pictural est achevé et Van Dongen ne
passera pas à autre chose, au cubisme en l'occurrence,
comme ses condisciples.
L'exposition se clôt sur des portraits presque "art
déco" de mondaines archétypales, hiératiques
ou alanguies ("Mme Jasmy Alvie") et des portraits
extravagants tels "Le tango de l’archange" avec
la femme nue aux chaussures rouges enlacée par un archange
en smoking et un dernier autoportrait, Van Dongen travesti en
Neptune de Carnaval, bien éloigné de celui en
bleu des jeunes années. Mais peut-être pas dupe. |