Récit écrit et interprété par Gilbert Ponté.

Avec "Giacomo sur les planches", Gilbert Ponté se livre à un exercice difficile, celui d'interpréter seul en scène toute une galerie de personnages. Eric Métayer avec "Un monde fou", s'était vu attribué un Molière en usant de ce procédé. Gilbert Condé maîtrise, lui aussi, parfaitement bien ses personnages, et par l'art des mimiques, des changements de voix, des différences d'attitudes corporelles, le spectateur n'est jamais perdu.

Les personnages de sa pièce sont parfaitement maîtrisés. "Giacomo sur les planches" est l'occasion de voir un immense numéro d'acteur. Mais pas seulement...

Il y a aussi une histoire, et un contexte social. Le petit Giacomo, fils d'immigrés italiens, vit en France dans une cité HLM. A la récréation, les enfants jouent à imiter les héros de série de l'époque, Zorro, Ma Sorcière Bien-Aimée, ou les héros de la vraie vie, celle qu'on voit au travers de la lucarne du poste de télévision en noir et blanc. Au fur à mesure que la pièce se déroule, Giacomo est initié par une partie de son entourage à la littérature et au théâtre. Au final, il jouera Scapin pour la fête de son école, son premier rôle.

La force du texte est de ne pas rester dans l'évocation nostalgique d'une période, mais de réussir à peindre le contexte social et politique de l'époque. Car l'après-mai 68, pour Giacomo, ses parents et leurs amis, dans la France de Pompidou, ce n'est pas celle du flower power, c'est celle grisâtre des ouvriers qui rêvent d'une évolution sociale pour leurs enfants, c'est celle du début de la société de consommation qui doit permettre aux travailleurs de gagner du temps, c'est l'avènement de la voiture individuelle et de l'électroménager. C'est aussi l'arrivée de la télévision comme fenêtre sur les évènements dans le monde. Gilbert Ponté rappelle tout cela avec justesse. Il ancre les dialogues et les motivations de ses personnages dans un contexte qui donne une grande cohérence au déroulé de sa pièce et à l'évolution psychologique de ses personnages. Son petit Giacomo est un enfant de cette époque-là.

Mais il reste avant un enfant qui découvre le monde qui l'entoure, le monde des adultes, un monde qui cherche à l'obliger à se conformer à un avenir de cadre moyen, plutôt que de lui permettre de poursuivre ses rêves de devenir acteur, "comme Terzieff". Cette période charnière de l'enfance de Giacomo est évoquée avec finesse et beaucoup de poésie. La mise en scène de Stéphane Aucante, qui par images ou par illustrations sonores, invite les non-conformistes de l'époque, Joe Cocker, Polnarreff, Jimmy Hendrix, Patty Smith... souligne avec sobriété l'évolution psychologique du personnage central.

Cette pièce, deuxième volet d'une trilogie, peut se voir de manière complètement indépendante des autres. Le spectateur en ressort époustouflé par la performance d'un acteur exceptionnel, et sous le charme d'un texte à la fois poétique et vrai.