Le maxi-single, appelé aussi EP (ou mini-album, parfois), est le support idéal pour découvrir de jeunes chanteurs : en 4 ou 5 titres, ils ont plus le temps de poser un univers personnel que sur l’unique morceau destiné à devenir single radio… A contrario, le nombre de plages restreint empêche la dispersion (comme ce pourrait être le cas sur les 12 titres d’un album, pour un artiste un peu trop vert).
Buridane Pas Fragile (Gourmets Recordingz, novembre 2008)
Buridane fait partie de la même écurie que l’excellent Koumekiam (déjà chroniqué en ces pages), mais dans un tout autre genre : pas question de slam ici, mais d’une chanson française plutôt traditionnelle, en mode guitare-voix intégral.
Froggy’s Delight avait déjà évoqué plusieurs de ses prestations scéniques (avec Arthur H, au Fil, en décembre 2008 ; et au Festival Paroles et Musique, fin mai 2009). La jeune femme a écumé les festivals ces derniers mois, et le disque est très proche de la formule adoptée en concert, seule avec sa guitare (ou accompagnée d’un deuxième larron, de temps en temps). La réalisation est simple (juste quelques chœurs pour agrémenter les refrains), le son sans affèteries. L’accent est mis sur les chansons, fraîches et directes.
Comme son titre l’indique, les paroles de Pas Fragile esquissent le portrait d’une nana sensible mais pas dupe. La féminité et l’amour ont beau être évoqués, ils ne sont pas les sujets principaux : il y est beaucoup plus question des bleus à l’âme et de la manière (forte, volontaire) d’y faire face. Buridane évoque souvent l’enfance, mais sans niaiserie. Elle se veut "consolante", sans être mielleuse.
Pour résumer, elle nous semble assez proche d’une Clarika : même goût pour les chansons-saynètes et les petits drames qu’il s’agit d’affronter bravement… mais dans une formule musicale plus dépouillée (et sans le name-dropping horripilant qui plombe souvent les chansons de son aînée).
Les mélodies se retiennent aisément (notamment "Badaboum" ou "La Caillasse"), les chansons sont directes et évidentes : idéales pour se mettre un public dans sa poche, emporter l’adhésion du plus grand nombre.
C’est aussi là que se situe la limite du disque : ces 5 titres sont un bon passeport pour assurer une première partie ou une prestation courte dans un festival… mais l’absence de réel travail de studio (arrangements, production originale) n’en fait pas une œuvre marquante sur le long terme.
On aime qu’un enregistrement ait une véritable spécificité par rapport à la scène. Buridane, qui a visiblement fait ses preuves au cours de ses tournées, doit maintenant s’inventer une formule musicale originale. Un univers sonore plus étoffé que le guitare-voix, pratique en concert, mais qui peut s’avérer un peu monotone, transféré sur disque.
La Fiancée EP 4 titres (Strictly confidential / Nodiva, août 2009)
Les conditions de réalisation du premier EP de La Fiancée sont diamétralement opposées à celles de Buridane : la jeune femme (prénommée Claire) n’a guère écumé les salles… mais se retrouve déjà produite par un gros nom de la nouvelle chanson française (Florent Marchet), qui déploie des ornementations riches et chiadées sur les chansons de cette nouvelle venue tombée d’on ne sait où…
On peut évidemment être agacé par le côté "jolie jeune fille prise sous son aile par un Pygmalion ayant pignon sur rue". Il n’empêche : les chansons proposées sont intéressantes et ont la chance d’être bien réalisées, ce qui fait de ce petit disque une "œuvre" à proprement parler, autonome en soi, et non un simple passeport pour la scène, comme c’était le cas pour le EP de Buridane…
Le dossier de presse confirme cette idée : le CD est évoqué métaphoriquement comme un "recueil de nouvelles inaugural… Plutôt que livrer un premier roman, elle souhaiterait que d’autres recueils brefs et fulgurants comme ce quatre titres naisse dans les prochains mois".
Le disque se veut donc lettré, et y parvient le plus souvent : les textes sont plutôt classieux, à la fois simples (états d’âme amoureux d’une jeune femme, sujet bateau s’il en est) et assez ouvragés pour éviter la lecture à un seul niveau. Ce ne sont pas de petites histoires, mais des autoportraits frêles et diffus, personnalisables à l’envi par l’auditeur.
Comme le laisse entendre le goût de La Fiancée pour le format EP, certaines chansons du disque sont clairement orientées sixties : la jeune femme revendique le triumvirat Barbara, Bardot, Hardy comme influences françaises. Cela se ressent particulièrement sur deux morceaux, "L’Emploi Du Moi" et "Cette Autre". Si le premier est réussi et sonne comme un bon Françoise Hardy d’antan, le refrain du second penche plutôt vers l’easy-listening fadasse, pointant assez vite les limites de ce type de nostalgie.
Les morceaux les plus intéressants sont ceux qui s’éloignent du trip rétro-chic : "Veilleuse" évoque une femme aux aguets, veillant sur un être endormi (homme aimé ? enfant apeuré ?) et bâtissant "de ses mains / une forteresse jusqu’à demain". Quant au "Tigre Mercenaire", c’est un petit bijou développant une série de métaphores somptueuses, sur fond de chœurs inquiets. On n’oubliera pas de sitôt l’image de cette amoureuse dormant "sur les flancs /d’un tigre mercenaire /vaincue par ses vingt ans /ses griffes et son mystère…".
… et l’on suivra avec attention la suite des enregistrements de cette artiste prometteuse. |