Romain Turzi nous reçoit dans le studio de répétition de son groupe, au cœur de Paris pour nous parler de la sortie de B, son deuxième opus. Le terme n’est ici pas galvaudé, l’opus désigne une composition musicale numérotée dans l’oeuvre d’un artiste. Turzi, le groupe, a choisi les lettres de l’alphabet pour nommer leurs deux premiers albums. A était marquant, car il avait la fraicheur de l’oubli, celui du Rock psyché ou Krautrock des années 70, le groupe revisitait un genre, se l’appropriant au passage.
Romain, en attendant les autres membres du groupe pour une répétition, évoque l’enregistrement de B, les aspirations musicales et autres projets qu’il développe.
Comment s'est passée la composition de B ?
Romain Turzi : A l’inverse de A où l’enregistrement était la reproduction de morceaux qu’on jouait depuis deux ans sur scène, l’album existait mais n’était pas enregistré. A était plus une photographie de morceaux qui ont continué d’évoluer par la suite. En revanche pour B, on est parti avec le besoin de recommencer un peu à zéro, on est parti s’isoler quinze jours en Corse avec des directions pré faites. On savait par exemple que tel jour on allait enregistrer "Bombay" qui allait être un morceau orienté hard rock, etc. Mais chaque jour, c’était un morceau différent, et on arrivait au studio avec un fil directeur. Les titres n’étaient pas composés, ils l’ont été sur l’instant.
En gros, on est parti d’une idée très simple, un riff qu’on jouait une heure ou plus et on les enregistrait ensuite. Tout l’album B provient d’improvisations ou de structures écrites un peu à la va-vite pour résumer. Ensuite, les six mois qui ont suivi, on a pris un peu de recul par rapport aux séances de studio. En le produisant, je l’ai partiellement ou totalement remis en question, ça dépend des morceaux, en réorganisant les structures, en y ajoutant des sons nouveaux, des voix, des thèmes. B s’est fait en deux étapes. Ce qui est important pour nous, c’est qu’il a été composé sur l’instant, on a tous une part de composition, sauf deux titres complètement électroniques qui sont faits d’improvisations ici, avec les instruments que tu peux voir.
Et il y en a beaucoup à disposition (ndlr : le studio de répétition de Turzi est un petit espace rempli de synthétiseurs anciens, une véritable brocante d’instruments divers et variés)
Romain Turzi : Bien tu vois, on fait en sorte qu’ils croisent notre route (ndlr : Romain montre les différents synthétiseurs présents dans la pièce). Souvent on se lève tôt, on part sur des brocantes et on trouve des trucs comme ça. On n'en a pas forcément besoin mais bon, celui-là par exemple, il va nous apporter des sons nouveaux. Il y a plein d’instruments, mais si tu les regardes vraiment et que tu les connais un peu, il n’y a rien de très exceptionnel. Ce n’est pas du bas de gamme, mais des choses très vendues dans les années 70 et 80, il n’y a pas d’objets de collection. L’état d’esprit est que l’instrument a une vie, on fait un bout de route avec et puis quand il sera cassé eh bien tant pis. On ne passe pas notre temps à les astiquer, à les vénérer, ce n'est pas un but, c’est un outil. L’idée est aussi de les détourner de leur son original, on les passe au travers de pédales, de synthétiseurs et on va forger le son pour lui donner une identité. Les instruments nous inspirent et on les contrôle pour les détourner de leur son naturel.
Comment verbaliserais-tu la différence entre A et B ?
Romain Turzi : En gros, A est une photographie d’un instant donné. Si aujourd’hui on réenregistrait les mêmes morceaux, ils ne seraient pas pareils. B est un travail d’improvisation, puis un travail d’édit, de montage et de production. Ce qui est différent, A n’a pas été produit. Quand on est sorti de l’enregistrement, il avait tout d’un album fini. Pour B, il y a vraiment eu un travail de remise en question. Ce qui est intéressant pour un artiste, c’est de produire ses morceaux. Par exemple, prendre les pistes de guitare folk et les passer au travers de tremolos, prendre le master d’une chanson, mettre ça dans des chambres échos ou le passer à l’envers. Tout ce travail de montage a été très intéressant.
Quand il a fallu jouer B en concert, on l’a réappris, on s’est retrouvé à ré analyser les titres et aujourd’hui, jouer B sur scène, c’est une réinterprétation de l’album, donc ça a un petit peu changé. On peut dire que les morceaux commencent leur vie maintenant selon nos humeurs. Il y a aussi une part d’improvisation qu’on se permet parce que si les choses étaient verrouillées, ce serait pénible pour nous, on n’est pas des musiciens de formation, et c’est plutôt ça qui nous motive au lieu de reproduire des parties bêtement. S'il n’y a pas cette place d’improvisation, on s’ennuie. On se connaît très bien, on a tous notre petit rôle et c’est ça qui fait l’alchimie du groupe.
Puis il y a la motivation de la mise en danger, toute proportion gardée.
Romain Turzi : On se met un peu en danger volontairement, on se connaît bien, on sait s’anticiper, donc quand il y en a un qui se plante en concert, on sait se rattraper.
Le style musical a beaucoup évolué sur B. Quelles influences sont venues vous habiter ?
Romain Turzi : Pour A, je ne dis pas que le postulat était de faire de la musique psychédélique ou du Krautrock, mais c’est ce qui nous branchait à l’époque. Quand on a fondé le groupe, c’était un peu les bases. On essayait de jouer sur la répétition, le fait de faire un truc envoûtant à partir de choses simples pour se détacher des mini mélodies qu’on joue, pouvoir interpréter différemment et s’élever. La presse a pas mal joué sur "Turzi le renouveau du Krautrock", "Turzi le psyché", etc. Nous, on était très content au départ parce qu’il y avait une petite brèche. En France, les groupes sont surtout dans le Rock n’ Roll ou le Rythm n’ Blues anglo-saxon et ce qu’on fait n’était pas très exploité.
Entre le milieu des années 70 et aujourd’hui il n’y a pas eu grand-chose dans le psychédélique en France, à part peut-être dans la musique électronique. Nous, on aime vraiment la musique psychédélique ou le Krautrock mais aussi d’autres choses, que ce soit la musique concrète ou cyclique, Steve Reich mais aussi la pop, le Stoner. Bref, on a chacun nos petits terrains de jeu et quelque part, la frustration est d’aller faire des concerts en se limitant au Krautrock et son Mi interminable et au bout d’un moment, on a besoin de faire d’autres choses. Peut-être que les influences vont dans plus de directions dans B mais pour moi, l’approche reste la même dans la mesure où ce qui est important, c’est l’interprétation que nous allons faire des influences, la digestion des styles. Etre irrévérencieux avec nos influences, nos "bag of tricks" vont faire que les modèles vont sonner différemment.
Le plus important, c’est l’approche et l’interprétation qu’on va avoir des différents styles. Par exemple, la musique électronique, j’apprécie beaucoup mais ce n’est pas mon bagage principal. C’est quelque chose qui nous intéresse beaucoup, parce que cela fait appel aux synthétiseurs, à la recherche sonore. C’est comme Etienne Jaumet qui fait son disque de Techno alors qu’il ne vient pas du tout de là, c’est ça qui est drôle. Si c’est pour se cantonner à la reproduction d’un style et s’inscrire dans un courant précis, c’est peu intéressant. Ce qui est marrant, c’est notre approche et ce qui peut s’en dégager, et je pense que l’album, même s'il va dans tous les sens, est homogène parce que chaque style est abordé à notre façon. On avait rencontré Lee Ranaldo de Sonic Youth, il nous parlait de son "bag of tricks", c’est ce que tu fais quand tu ne sais plus quoi faire, tu reviens toujours à des plans. On aborde un genre musical et on revient toujours à nos petits trucs, nos mimiques. L’album, il ne faut pas l’écouter morceau par morceau, mais dans sa globalité. Et si tu veux comprendre le message, si message il y a, c’est dans l’ensemble du disque qu’il est.
Ensuite, il y a les titres qui sont un peu mis en avant comme "Bombay" et "Buenos Aires", en remix.
Romain Turzi : Ceux-là sont sortis parce que la maison de disque les aimait bien, ce sont deux morceaux qui n’ont rien à voir. Les remix, ça attire l’attention des gens sur tes morceaux. Il y a une toute petite part de marketing là dedans, mais que je laisse à la maison de disque, moi je suis artiste. En revanche, Koudlam qui a fait le remix de "Bombay", c’est un petit protégé de l’écurie Pan European Recording. On est très sensible à son approche, le son qu'il développe, sa musique et c’est notre choix. Sébastien Tellier, j’étais content qu’il accepte de le faire, je l’ai d’ailleurs fait avec lui, c’est aussi une histoire de famille (ndlr : Sébastien Tellier et Turzi partagent la même maison de disques Record Makers).
Je parlais tout à l’heure de Pan European Recording. Sur ce label, il y a Kill for Total Peace qui est le groupe de Sylvestre, batteur de Turzi. Il y a aussi One Switch to Collision dont fait partie Clément, ici présent. Tout ça c’est une unité, une famille. C’est hyper important, cela ne nous fait pas une concurrence mais une motivation. C’est ce qu’on voulait montrer avec ce label, c’est que Turzi n’est pas l’OVNI Krautrock que la presse a décrit mais qu’il y a d’autres groupes dont le langage musical est différent, mais qui font le même voyage.
Il y a eu cette information au moment de sa sortie, comme quoi A était composé en La. B est-il composé en Si ?
Romain Turzi : Eh bien pas tant que ça, "Baltimore", "Baden Baden", d’autres morceaux inédits comme "Bagdad" ou "Beyrouth" le sont. De toute façon, A n'est pas entièrement en La non plus. Naturellement, quand on prend la guitare et qu’on joue la corde de La à vide et un accord fastoche avec, on met ensuite la corde de La en Si et ça te fait un accord parfait. Ce n’est pas qu’on ne se casse pas la tête mais avoir des choses simples, sur lesquelles on revient. Et effectivement, on a essayé les morceaux en Si. Au début, c’est un peu dur, ce ne sont pas nos repères habituels.
Sur B, certains titres sont très "chamaniques". "Brasilia" a un coté BOF de Blade Runner en particulier et d’autres plus "heavy" ce qui peut paraître un peu antinomique.
Romain Turzi : Tu vois, Brasilia c’est synthétiseur mais pour moi, ce n’est pas du tout antinomique, c’est le même message, la même direction et la même envie. C’est Lavilliers qui disait : "il y a peut-être un ailleurs". On ne cherche pas à se limiter, ni à se cloisonner dans un truc. Pour moi, le côté chamanique, il est autant dans des titres comme "Bombay" ou "Beijing" qui sont plus orientés Black Sabbat ou Deep Purple, que dans "Brasilia" ou "Bogota" qui sont plus synthés et séquences ou que dans "Bamako" avec l’âme chamanique Brigitte Fontaine. Tout ça se complète, un titre n’est pas l’anti-thèse de l’autre, ça va dans la même direction sous une autre forme ou rythmique.
D'où est venue cette envie de voyage dans les titres des morceaux ? Comment avez-vous travaillé les ambiances autour des noms de villes ?
Romain Turzi : On a fait A, on disait aux journalistes qu’on allait faire une trilogie. Ils nous on dit : "le prochain s’appellera B et tous les titres commenceront par B" et finalement, on l’a fait. C’est ce qu’on attendait de nous, mais c’est ce qu’on allait faire naturellement. Quand on est parti enregistrer l’album, on savait déjà qu’on enregistrerait B. Sylvestre dit qu’on fait de la musique de voyage, donc prendre des noms de villes, ça parait naturel. Ensuite, ces villes je les connais pas, donc c’est juste ce qu’elles pourraient m’évoquer ou non. Mine de rien, regarde ce que Mat a fait, il a relié toutes les villes de l’album sur une carte et ça fait un B, on a trouvé le moyen de les faire sonner comme un B. Et ensuite, on fera un troisième album, qui s’appellera C, on fera du Rock-Camembert, puisque on fait du cheese rock, comme disent les anglais. On fera "Cousteron", "Camembert", "Chaussée aux Moines", "Chavroux" et tout ça fera un C dans la carte de notre beau pays (rires).
Sur "Baltimore", vous avez invité Bobby Gillespie au chant. Comment se sont passés votre rencontre et votre travail avec lui ?
Romain Turzi : La jonction, c’est qu’on avait ce morceau Baltimore, qui était un peu Shoegaze, grosses guitares et boîte à rythmes. Des choses qu’on avait envie de relier, un peu comme une rave stoogienne. On n'a jamais laissé trop de place à la voix dans notre musique en se disant qu’un frontman, ce n’était pas très intéressant, que le plus important c’était la musique. Là, c’était l’occasion d’essayer, parce que le morceau s’y prêtait tellement bien qu’on s’est dit qu’on allait prendre un chanteur. La maison de disque avait le contact de son manager, on lui a fait parvenir le morceau, en le lui proposant. On le pensait inaccessible et il a accepté et demandé qu’on lui fasse parvenir des paroles et une démo de voix. Deux jours après, j’étais en studio à Londres où, en une heure de temps, les voix étaient faites. Cela s’est très bien passé et je suis très heureux qu’il soit sur notre disque. Pour moi, c’est un groupe important qui n’a pas peur de mélanger la culture rave-ecstasy et les grosses guitares. L’homme est super abordable, adorable, il est resté intègre tout au long de sa carrière.
La même question pour Brigitte Fontaine ? Comment s’est fait la jonction avec elle ? Comment travaille-t-on avec elle ?
Romain Turzi : On adore Brigitte Fontaine depuis des années, on a suivi sa carrière surtout pendant les années 70, mais on est très sensible à sa poésie et sa musique. A la musique d’Areski en fait. Et on s’était dit qu’avec ce morceau qui s’appelait "Bali", avant de s’appeler "Bamako", qu’un texte ou une poésie dessus, ce serait très bien. Finalement, en discutant avec le roadie d’un groupe qui répète ici, on s’est aperçu qu’il connaissait Areski et que c’est quelqu’un d’abordable. Il nous a filé son numéro, je l’ai rencontré et lui ai donné le disque. On s’est rappelé, il avait apprécié le disque et me dit que Brigitte a écouté et qu’elle voulait faire quelque chose dessus. Nous, en fait, on voulait Areski parce qu’on l’apprécie vraiment beaucoup et on voulait lui redonner la place qu’il mérite. C’est l’homme de l’ombre d’albums d’Higelin, de toute la carrière de Fontaine. Mais Brigitte en plus, c’est inespéré. Je les rencontre et Brigitte me soumet deux textes, dont celui-ci qui nous convenait mieux.
Trois jours après, ils viennent ici dans le studio et on écoute religieusement Brigitte. Elle vivait entièrement le morceau, le mimait, c’était glaçant par moment. On était là, sans bouger, sans faire de bruit pendant tout le morceau. A la fin, elle nous demande ce qu’on en pense, nous on était super contents, mais Areski n’était pas satisfait et il lui demande de recommencer. Résultat, elle l’a refait et c’était un grand moment. C’était le jour de l’élection d’Obama, c’est pour ça que le morceau s’appelle "Bamako", pour "Bamakobama". Ce qui est étonnant, c’est que le morceau était une longue plage sans réelle structure et qu’elle en a créé une avec son texte, elle avait vraiment intégré le titre et l’a restructuré avec son texte.
Comment va se passer le passage à la scène des titres avec ces deux invités en particulier ?
Romain Turzi : J’ai déjà contacté Bobby parce qu’on va jouer en Angleterre bientôt, pour qu’il vienne nous voir et si ça lui plait, pourquoi pas venir jouer avec nous, mais une tournée ce n’est pas possible. Brigitte, c’est pareil, elle sera en pleine tournée de son album. J’ai rappelé Areski, il n’a pas de temps, donc ce n’est pas sûr que ça se fasse. On ne fera jamais "Bamako" sans Brigitte parce que ça n’aurait pas d’intérêt. "Baltimore", on l’a réinterprété, on a dû la réapprendre, lui donner une autre couleur et puis c’est moi qui la chante. Cela m’aura appris des choses et cela m’aura débloqué pour le chant, la version qu’on en fait tourne bien. Et qui sait, peut-être que sur C il y aura plus de chant.
Pour revenir sur le troisième album de la trilogie, A c’était le monde, B le voyage...
Romain Turzi : Eh bien je t’ai dit Cheese Rock. C, ce sera la France. En revanche, la musique sera encore moins "french orientated". Je ne sais pas encore mais on ira encore plus loin. Peut-être un album médiéval, acoustico-doom. On a déjà un morceau Doom, "Bagdad", mais on l’a mis de côté parce que c’était un peu une redite par rapport à ce qu’on avait déjà fait et la maison de disque n'était pas fan. On va le sortir en bonus tout comme "Beyrouth". Ce sont les morceaux qui nous sont venus le plus naturellement. "Beyrouth", lui, est un peu acoustico-black metal-medievalus-gong. On ne cherche pas à rester dans une étiquette, ni à brouiller les pistes en passant du tout au tout, mais notre culture musicale est comme ça. Je pense et j’espère qu’on a évolué, sinon on aurait fait un A bis.
Quel souvenir gardez-vous de votre passage à la Route du Rock entre Sonic Youth et LCD Sound System ?
Romain Turzi : Il y a un film qui a été fait sur toute la journée et la préparation avant le concert. Du matin au lever, puis aux balances. Impressionnantes les balances, seuls sur scène avec un grand terrain vague devant nous. On n’avait pas le droit de se planter, on jouait après les maîtres, Sonic Youth, qui jouaient Daydream Nation, un album qui a vachement compté pour chacun d’entre nous. Il ne fallait pas se planter, ni flipper. Si on était là, ce n’était pas pour rien : d’abord il y a eu une annulation sinon on aurait jamais joué à cette heure là, et grâce à un programmateur osé qui nous a mis à ce créneau. Le souvenir qu’il me reste est d’être un peu flippé derrière mon instrument à cause de l’enjeu. Je pense qu’on était plein de retenue parce qu’on se maintenait aux structures pour ne pas se planter, on aurait pu aller encore plus loin et ça aurait peut-être mieux pris.
On a tout de même commencé par une impro totale, on ne savait pas ce qu’on allait jouer, c’est quelque chose qu’on fait habituellement. Pendant tout le concert, les Sonic Youth sont restés nous écouter sur le côté de la scène, on les a rencontrés ensuite et en plus, ils sont sympas, on aurait pu être déçus mais non. C’était un rêve de gosses : la Route du Rock, c’est un festival qu’on aime beaucoup. On a appris qu’on jouait là-bas, trois semaines avant. On a répété une semaine, puis tout le monde est parti en vacances et on s’est retrouvé la veille du concert. Certains groupes auraient fait une résidence ou travaillé jusqu’au concert. Ce qu’on a appris en jouant avec des gens comme Faust, c’est que moins on répète, mieux c’est. Enfin, les répétitions il faut en parler, dire ce qu’on va faire, tu vas au fond des choses, même à la limite mettre tout par écrit et puis quand tu joues, ça va. Mais quelque part, on aurait peut-être pu jouer un peu plus (rires).
Depuis quelque temps tu fais des concerts tout seul. D’où est venu cette envie ?
Romain Turzi : On n'a jamais pu intégrer en même temps, du fait qu’on soit cinq avec du matériel, le gros attirail synthétiseur et le groupe de rock. C’est assez difficile de faire jouer les gens sur les séquences, nous sommes instinctifs et avec les séquences, on ne peut pas faire ça. Je travaille au synthé de mon côté et pour pouvoir faire exister ce travail solo, on m’a proposé de faire ces concerts. Avec ça, je touche un autre public qu’on ne peut pas aborder avec le groupe : ce sont les clubs où les gens sont frileux à l’idée de voir un groupe de rock. Là, je leur fournis mon interprétation de la Techno avec toutes les dérives du Rock et toute la vision qui va avec. Chaque concert est différent parce que je n’arrive pas, ou plus précisément je ne veux pas reproduire les choses une fois sur l’autre. L’idée, c’est d’avancer et d’improviser l’histoire racontée.
Peux-tu nous en dire un peu plus sur Pan European Recording et les projets en cours ?
Romain Turzi : On avait un distributeur qui nous a lâchés il y a six mois alors qu’on avait les albums prêts à sortir. Là, on vient de signer avec Modulor qui est un producteur indépendant, donc c’est reparti. Dans un mois, on sera dans les quatre cents boutique Agnès B dans le monde, avec les disques du label présentés. Le catalogue, c’est Aqua Nebula Oscilator, qui sont des speed freaks intéressants, complètement intègres parce qu’ils vivent leur art à cent pour cent, ce n’est pas une façade. Il y a One Switch to Collision, là on est dans un paysage sonore avec des influences allemandes, mais également un mélange de rythmiques concrètes. On a aussi Kill for Total Peace qui sort dans un mois, qui eux sont des bases de College-Indie américain à la sauce Suicide et Velvet Underground.
A chaque fois, ce sont des influences communes, puisque nous sommes amis depuis des années et qu’on s’échange des disques. Par contre, on reconnaît bien la spécificité de chacun des groupes. Et Koudlam, là c’est encore autre chose, il fait de la musique électronique, ce sont des photos, des paradoxes dingues. Tu as le mythe et les croyances religieuses qui viennent se confronter à un monde moderne. Une sorte de Punk-Digital fait au laptop. Par contre, ça sonne comme un OVNI, ça fédère une communauté. Il a un titre dans le dernier film d’Audiard. C’est quelqu’un qui est associé au milieu de l’art contemporain, plus qu’à une scène musicale. Si on devrait le classer, ce serait un mélange de PIL, Peter Gabriel et un peu de dandy à la voix.
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