Spectacle
conçu et mis en scène par Sébastien Chenot
à partir de textes de détenus anonymes, avec Didier
Billon, Camille Château, Pierre Devanne, Nathalie Lacoste,
Camille Lamache,
Audrey Leboedec, Céline Romand et Geoffroy Vernin
L’expérience est troublante : après avoir
traversé des couloirs d’école, on arrive
dans une salle qu’on reconnait sans l’avoir jamais
vu : une salle épurée où ne se distingue
du béton que les bancs en bois et les sanitaires blancs.
Avec ce spectacle dont les textes sont issus du livre "Paroles
de détenus" tiré de textes vrais recueillis
par Jean-Pierre Guéno, Sébastien Chenot nous immerge
avec talent dans un monde parallèle qu’on ne connaît
pas vraiment, un monde fait de cadres comme des lignes de fuites
impossibles…
La mise en scène quadri-frontale nous place au cœur
d’un univers carcéral reconstitué. Cernés
de portants métalliques et de toiles de tissu qu’ils
font et re-défont sans cesse pour suggérer l’enfermement,
les comédiens avec retenue et volonté nous parlent
de ce monde en dehors du monde. Et les voix se font, échos,
canons ou chœurs pour dire qu’on est aussi seul là-bas,
que nombreux comme une masse sans visage.
Des moments intimes sont confiés, partagés, révélant
des choses parfois insoupçonnées sur la vie en
prison et l’on va de découvertes en découvertes
avec des confessions de chacun des détenus que la mise
en scène isole pour une partie des spectateurs et dont
elle fait ressentir encore plus intensément, par cette
proximité, les émotions.
Evoluant dans cet espace minimal où tout est réglé
au millimètre, les comédiens tracent avec assurance
les frontières d’un monde qui peu à peu,
nous étouffe. Nous sommes alors passés à
l’intérieur nous aussi et quand, à la fin,
il s’agira de retrouver le dehors, personne ne demeurera
indemne.
On apprécie la conviction et la justesse d’une
troupe homogène dont certains livrent des moments inoubliables
comme Didier Billon composant un touchant père de famille
cambrioleur séparé de ses enfants ou Audrey Le
Boedec, sensationnelle en jeune femme osant faire des rêves
dans un univers qui les annihile tous.
Un moment très fort et un spectacle édifiant
sur un microcosme déshumanisé. |