Vous le savez depuis février, date de la sortie de leur dernier
album The
power out , elles sont incroyables, adulées, engagées,
leur musique est envoûtante, entêtante, rappelle aux
plus "j-ai-un-peu-roulé-ma-bosse-et-mes-oreilles-partout-dans-le-rock-depuis-20-ans"
d’entre nous, les meilleurs moments de Baroque
Bordello ou encore de Corman et Tuscadu
, ces groupes qui nous ont fait du bien, parce qu’ils osaient,
surprenaient à chaque chanson, chaque note et chaque trémolo…
Parce qu’ils font partie de ces groupes qui réinventent
le rock constamment, souvent avec bonheur, parfois maladresse, mais
toujours enthousiasme.
La tête farcie des chansons de Power out, nous les avonsrencontrées
quelques heures avant leur concert au Nouveau Casino, curieux de
comprendre, savoir et découvrir les personnalités
qui forment Electrelane, leurs rêves,
leurs ambitions, leurs déceptions…
Il y a la belle Emma Gaze (batterie)
et l’évanescente Verity Susman
(claviers, voix, guitare, sax et paroles), les deux fondatrices
du groupe, avec la silencieuse Rachel Dalley
(basse) et la fougueuse Mia Clarke (guitare).
Elles sont sereines, auréolées du buzz qu’a
suscité leur précédent passage à Paris
au Tryptique et de l’accueil fait à The power Out.
"On nous avait prévenues, lance
Emma, le public français est vraiment
difficile. Des conneries ! On a rarement été aussi
bien accueillies !"
Le ton est donné ! En route…
On ne peut pas résister : un groupe de filles,
ça se dispute forcément ; comment est l’ambiance
au sein d’Electrelane ?
Electrelane : Aucun problème ! Depuis que nous
jouons ensemble (1998), nous n’avons eu que deux moments …
"délicats". Aucune de nous n’aime l’agressivité
et on se respecte bien trop pour dépasser les limites. Quand
un problème se présente, on s’assied et on en
discute. Comme des adultes.
Votre premier album, Rock It to the Moon, était
franchement instrumental, alors que The power Out fait la part belle
aux textes et aux mélodies. Comment qualifiez-vous cette
évolution ?
Electrelane : Pour être honnête, ça
n’a pas été volontaire : simplement, les mélodies
se développaient plus naturellement et plus facilement que
les lignes instrumentales alors que nous travaillions sur l’album
et du coup, les chansons "sonnaient" . Je ne sais pas
comment les autres groupes travaillent, mais pour nous tout arrive
alors que nous jouons toutes les quatre ensemble : chacune concentrée
sur son ou ses instruments, faisant évoluer une ligne, tête
baissée et d’un seul coup c’est là…
on relève la tête, on sourit. C’est un moment
fragile et magique, mais ça arrive à chaque fois.
On n’a pas vraiment l’angoisse de la panne d’inspiration
!
C’est comme ça que le chant s’est installé
dans The Power Out. Cela dit, notre prochain album, que l’on
espère enregistrer vers novembre 2004 (pour une sortie possible
au printemps 2005) sera plus instrumental, en ce sens plus proche
du premier, mais avec des sons franchement différents.
Parce que vous vous laissez séduire pas l’electro
?
Electrelane : Ah non, pas du tout ! Nous avons pu
lire des commentaires dans ce sens dans la presse, mais non, franchement
ça ne nous intéresse pas. On est et reste dans le
rock "classique".
Dans les chansons de The Power Out, on navigue d’ambiances
baroques à des balades, en passant par des passages quasiment
symphoniques. Le tout adossé à de l’anglais,
du français, de l’allemand,… C’est la découverte
de la voix, des textes qui permet cette diversité ?
Electrelane (Verity): Je ne sais pas bien répondre…
Sinon à dire que chaque langue a en soi une mélodie
différente. Il est parfois insensé de tenter un texte
anglais sur une mélodie qui est évidemment faite pour
l’allemand ou le français. Et puis il y a aussi l’émotion
des textes. Finalement, je crois que j’ai utilisé la
voix au même titre qu’un autre instrument. Ni plus ni
moins. De même, pour les textes : il y a certes une émotion
qui est à l’origine du choix, mais le message est secondaire.
Vous parlez déjà du prochain album,
alors qu’il y a plus de 2 ans entre vos deux premiers albums.
Que s’est-il passé ?
Electrelane : Le temps qui s’est écoulé
entre nos deux premiers albums est complètement indépendant
de notre volonté ! En fait, nous avons changé de maison
de disque entre les deux albums, nous avons fini nos études,
changé de manager… Bref, beaucoup de choses !
Cela dit, nous avons pu sortir des minis (I Want to be the President
– 2002 ; On Parade - 2003) pendant cette période qui
nous ont permis de clarifier les directions que nous voulions prendre
et celles dont nous voulions nous éloigner… Ce temps
était finalement important… Bien que nous ayons écrit
The power Out en à peine trois mois !
Vous avez enregistré The Power Out avec Steve
Albini. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Electrelane : En fait, nous lui avons fait parvenir
une copie de Rock It to the Moon, car il était impliqué
dans la programmation du festival anglais All tomorrow’s Parties
et nous étions à la recherche de dates de concert.
Et puis on a reçu un e-mail : "J’adore
ce que vous faites. Si vous voulez faire un second album, j’aimerais
bien le produire."
On a cru que c’était une blague !
Steve Albini est connu pour son "son".
A-t-il influencé celui de The Power Out ?
Electrelane : En fait, on n’a eu aucun problème.
Tout était discuté. A aucun moment, Steve n’a
tenté ou voulu influencer un morceau, ni sur son contenu
ni dans sa structure. Il suffisait que nous lui disions "on
voudrait que la caisse claire sonne plus comme ça, ou que
la guitare ait un son plus bidule" , il poussait deux
ou trois boutons et en 5 secondes, mais vraiment CINQ SECONDES,
le tour était joué et on passait à autre chose.
On a progressé à une allure folle, sans temps mort,
ça a vraiment été génial. J’avais
lu un interview des Breeders (également produit par Albini)
et les sœurs Deal disaient exactement la même chose.
Ca m’avait paru difficile à croire, mais maintenant
que nous l’avons vécu, je peux confirmer : il a un
grand respect du groupe avec lequel il travaille et se met à
son service… il met tout son talent à son service.
Evidemment, si on peut faire le prochain album avec lui, on serait
ravies !
Dans tout ce que vous avez lu et entendu sur Electrelane
, qu’est-ce qui vous énerve vraiment ?
Electrelane : Arrêtez de nous comparer à
Stereolab ! Ce sont les journalistes qui véhiculent cette
comparaison et le paradoxe de la situation est que certains vont
jusqu’à écrire "Electrelane ne se sortira
jamais de cette comparaison" , alors même qu’il
faudrait que ces mêmes journalistes arrêtent d’en
parler ! Et écoutent Electrelane et Stereolab aujourd’hui
: notre musique est beaucoup plus "lourde" et sombre ;
celle de Stereolab ressemble à de la musique pour bébés
! Alors STOP ! ! !
Et qu’est-ce qui vous a fait le plus plaisir
?
Electrelane: Nous avons lu des allusions et comparaisons
à New Order et au Velvet Underground. On en a été
très fières !
Vous sentez-vous les héritières du
Punk ?
Electrelane : Euh… Si on considère Patty
Smith, comme du punk, alors oui, sinon, pas vraiment.
...des Riot Grrrls, alors ?
Electrelane : Encore une foi, non. Par contre on respecte
profondément leur engagement et tout ce qu’elles ont
fait. Et même si certaines de leurs idées politiques
sont proches de nous, elles sont un peu trop exclusives pour nous
: tu ne peux pas être acceptée si tu prononces le mot
"salope", alors que c’est juste un mot.
En outre, leur approche de la musique est très différente
de la nôtre : elles ont tendance à considérer
leur instrument d’un point de vue "anti". Elles
ne sont pas intéressées par la maîtrise de leur
instrument et bien souvent, leur musique est assez difficile à
écouter.
La musique doit-elle être politique ?
Electrelane :Tout dépend de ce qui se passe
dans le monde et autour de toi à ce moment-là. Et
autant on n’a pas une passion pour les groupes qui "prêchent",
autant on pense qu’il est possible de faire passer des idées
par la musique… mais seulement si on arrive à émouvoir
par la musique.
Qu’est-ce que ça vous apporte de jouer
de la musique ?
Electrelane : Du plaisir. Tu te rends compte qu’on
avait 17/18 ans, on a commencé à s’amuser dans
la chambre d’une d’entre nous et aujourd’hui,
on est là à Paris ! c’est génial !
Et plus on joue ensemble, plus on découvre de nouveaux sons,
de nouvelles sensations, aussi bien dans la maîtrise de nos
instruments que dans la naissance des mélodies et leur diversité.
Comme on le disait, aucune angoisse de la "page blanche"
; c’est même le contraire. Dès que l’on
commence à jouer on sait qu’il va se passer quelque
chose… c’est énorme !
Et puis on a l’impression d’avancer, de découvrir…
et visiblement on arrive à communiquer ce sentiment sur nos
albums, aussi bien qu’en concert. C’est génial
!
D’ailleurs on joue ce soir et on est de plus en plus pressées
d’y être : on garde un tel souvenir du public français
!
Allez-vous projeter un film pendant le concert,
ce soir ?
Electrelane : Non. En fait cette histoire vient du
concert que nous avions donné au Centre Pompidou. Une amie
à nous, Frances Young avait réalisé un film
abstrait que nous trouvions très bien. En outre, pour être
honnêtes, on s’est un peu cachées derrière
ça au début. Puis on a arrêté parce que
l’on se sent mieux sur scène et certainement aussi
parce que notre ancien manager nous a dit un jour "vous
êtes tellement inintéressantes à regarder sur
scène, qu’il vaut mieux projeter quelque chose pendant
que vous jouez" . On a eu une sorte de réaction
de colère…
vous avez créé votre propre label
– Vous souhaitez produire d’autres artistes ?
Electrelane (Verity et Emma) : Absolument ! dès
qu’on aura de l’argent !
Si vous deviez définir votre musique en
trois mots ?
Electrelane : experimental, international, euh…
voilà. |