On ne change pas une recette qui gagne : deux ans après leur premier album éponyme, les New-yorkais bruitistes de A Place to Bury Strangers font à nouveau parler la poudre en reprenant les mêmes (grosses) ficelles (parce qu’à ce niveau là, on est plus près de la corde à nœuds que du fil à couper) : nappes sonores, distorsions massives, guitares cinglantes et effets à gogo, dans la lignée de leurs brillants (et vénérés) aînés My Bloody Valentine et Jesus & Mary Chain.
La petite sphère musicale, toujours friande d’anecdotes, colporte volontiers qu’Oliver Ackermann, chanteur & guitariste du groupe est aussi un bidouilleur de génie ; il en a même fait son métier dans le civil en fabriquant des pédales d’effets pour les guitares électriques des plus grands. Le groupe serait aussi le plus bruyant du moment…
Heureusement pour nos oreilles, de leurs soniques prédécesseurs, ils n’ont pas encore pris tous les travers : judicieusement programmés lors de la dernière Route du Rock après le set prétentieux et inaudible de Kevin Shields et sa bande, leur prestation classieuse, en comparaison, aura plus marqué les esprits que les tympans.
L’album s’ouvre sur un "It is nothing" dont la fausse modestie ne laisse pas le temps des présentations : un court riff et la batterie se mettent en branle, les guitares froides vrombissent et prennent l’auditeur par surprise pour ne plus le lâcher.
L’efficace "In Your Heart" reste sur les mêmes bases, dans un style (et un usage massif de la réverb’) rappelant un peu les Raveonettes.
Après un démarrage sur les chapeaux de roue et l’effet de surprise passé, les biens nommés "Lost Feeling" et "Dead Beat" font un peu retomber le soufflé… histoire de mieux rebondir sur l’imparable "Keep Slipping Away", dont la mélodie entêtante et les changements de rythmes feraient secouer les cheveux des plus sceptiques.
Dans la même veine, le puissant "Everything Always Goes Wrong" (bien aidé par une batterie infernale) et le mélodique et glacial "Exploding Head" (à la ligne de basse très eighties) ressuscitent les fantômes de la cold wave.
Le dernier titre (trop long pour être reproduit ici sans être soupçonné de remplissage éhonté !) débute sur une base pop sautillante avant que la machine ne s’emballe progressivement pour nous amener vers un déluge de saturation qui vient clôturer l’album de la plus belle des façons.
C’est sûr, l’exercice peut parfois manquer de finesse sur la longueur d’un disque (et qui plus est de deux), mais il reste terriblement efficace et ravira les nostalgiques d’un mur du son qu’on croyait définitivement à terre.
Signés sur Mute (qui n’a jamais si mal porté son nom !), A Place to Bury Strangers livre un album plus abouti que le précédent quoique sans réelle surprise. Si c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes, c’est aussi avec les mêmes bons vieux ingrédients, et ils auraient bien tort de nous en priver ! |