Voilà du bon gros vrai cinéma américain basée sur une recette imparable, de celle qui oscarise et booste les entrées.

Les ingrédients ? En premier lieu, de bonnes têtes d’affiche dans des rôles convenus, archétypes d’une philosophie manichéenne saupoudrée d’un soupçon d’incertitude (Gene Hackman en méchant machiavélique consultant en jury, Dustin Hoffman en gentil avocat humaniste malicieux et John Cusak en trublion oscillant entre arnaque et grand cœur) qui permettent de faire une affiche solide.

Ensuite, un genre populaire qui s’exporte bien : le film de prétoire, avec le jury populaire qui constitue la clé de voûte du système judiciaire américain et trouve son pendant en matière criminelle dans la plupart des autres pays - on sait par exemple combien les français par exemple sont friands des procès aux Assises - qui flatte le côté voyeur du spectateur dans sa fascination pour le monde judiciaire et son identification potentielle avec les jurés.

Enfin, une happy end sur fond de leçon de morale universelle.

Que dire de plus ? Ce film ne fera pas avancer le schimlblik, tout était dit dans le très grand film de Sidney Lumet" 12 hommes en colère".

"Hola ! direz-vous . Vous oubliez deux choses : le thème du film, l’audace du réalisateur, du scénariste et des producteurs qui dénonce une des grandes valeurs démocratiques de l’Amérique conservatrice qu’est la légalité de la vente et du port d'armes à feu et ce merveilleux affrontement d’acteurs".

Non, je n’oublie rien et j’aillais y venir d’autant que ces deux affirmations sont des contre-vérités et que je ne partage pas votre enthousiasme.

Eliminons d’abord la seconde. Il n’y pas de confrontation d’acteurs. Ce qui, d’une certaine manière, relève de la performance puisqu’aucune de ces trois pointures du cinéma ne jouent ensemble, à l’exception de la courte scène des toilettes (quelques minutes sur un film de 2 heures), qui va sans doute devenir culte, entre Hoffman et Hackman. Chacun joue "his part" seul face à de très second rôles. Et curieusement la seule à avoir le privilège de leur donner la réplique est le personnage principal féminin, interprété par Rachel Weisz, sorte de fil rouge entre ces trois personnages.

Quant au thème du film, est-ce vraiment là le réel sujet du film ? Bien sûr, il rappelle la contradiction existentielle qui existe entre l’attachement du 2ème amendement de la constitution et la condamnation des meurtres par armes à feu. Mais il ne faut pas se tromper de cible. C’est le thème des plaidoiries.

Le sujet du film est tout autre : il ne s’agit pas d’une révision de la constitution ni d’un procès pénal mais tout simplement d’un procès civil ayant pour but d’obtenir des indemnités pécuniaires compensatrices d’un préjudice subi .Et donc, voguant sur la crête, le film montre, en filigrane et d’une certaine manière perverse, comment il est possible de maintenir cette dualité, c’est-à-dire d’éviter un débat de fond, en permettant tout simplement de faire taire la vindicte populaire en agissant contre le responsable indirect du dommage, qui dispose de plus de disponibilités financières que l’auteur du meurtre, pour faire obtenir aux familles des victimes des indemnités substantielles.

Car il ne faut pas perdre de vue la propension chicanière des citoyens américains prompts à sécher leurs larmes pour chercher par tous les moyens de décrocher le jack pot.Par ailleurs, croire que l’enjeu du procès est énorme car s’il est favorable à la veuve, le jugement fera jurisprudence et coûtera cher aux condamnés comporte une bonne dose de naïveté car cela n’implique pas qu’il compromettra sérieusement le libre commerce des armes. Au mieux, on en arrivera à l’étiquetage des armes attention dangereux peut tuer comme attention peut brûler sur les tasses de café de Macdo condamné suite à l’instance d’une personne qui s’était brûlée avec un café chaud.

De plus, le film procède de la même manière perverse en ce qui concerne le jury illustrant la thèse selon laquelle la légitimité du moyen employé dépend de sa finalité. Il nous montre, d’une part, que la manipulation est au service de qui la paie et non au service de la défense d’idées justes. D’autre part, il ne faut pas se leurrer, en l’espèce, le jury a effectivement été manipulé mais pour la bonne cause même s’il est affirmé qu’il a voté en toute liberté. Fort prudemment, il nous est montré que peu d’images sur sa délibération finale.

Or non ! Il n’est pas possible d’avaliser cette thèse pas davantage d’ailleurs que légitimer les actes terroristes au motif qu’ils sont utilisés pour conquérir une indépendance ou une reconnaissance politique !

En définitive, ce film plaît et plaira car il permet de se donner bonne conscience. Le spectateur est titillé juste assez pour se prouver qu’il est interpellé par les problèmes de société et pas trop pour ne pas malmener les petits arrangements entre amis.