Est-ce la voix, tendue à s'érailler derrière la profondeur de ses résonances ? Est-ce cette manière de boîte à rythme en guise de batterie, qui donne à l'ensemble une touche électro que ne démentent pas les claviers ? Est-ce la saturation punkoïdale de la guitare et de la basse ? Est-ce sa (vraie) (fausse) répétitivité ? Est-ce son rythme endiablé, sautillant ? Ses couleurs noir et rose (fluo) et jaune (fluo) et rouge (sang) ?
Immédiatement, Open Hearts des Longcut a quelque chose du Echoes de The Rapture. Rien que ça. Mais le trio vient de Manchester et on entend aussi dans le flux tendu de cette série de détonations électro-punk-shoegaze-rock que constituent ses compositions tout ce que cette ville a pu compter d'influences prestigieuses, le premier New Order en tête (c'est-à-dire, encore : le dernier Joy Division). On lui trouvera surtout un esprit bien aventureux puisque l'album a été presque intégralement enregistré dans le local de répétition du groupe – presque intégralement parce que certaines voix ont été capturées à la maison, dans la salle de bain – une histoire de réverbération (qui donnera des frissons aux amateurs du Cool Jazz d'Arthur H, mais c'est une toute autre histoire) ; démarche qui lui permet, trois ans après son premier effort A call and response (2006, Deltasonic), de réaliser avec la même recette (drum machine + basse + guitare + hurlements possédés + autres sons tirés de claviers) un disque d'une même fraîcheur.
On navigue donc de lignes de chant catchy ("You can't say we didn't warn you" proclame "Out at the roots" en guise d'ouverture) en lignes de chant catchy ("I'm happy I was wrong" assène "Devil Song") ; on passe plusieurs fois le mur du son (la minute et vingt secondes parfaitement gratuites de "You can always have more", surtout les vingt secondes, d'ailleurs) ; on s'apprête plusieurs fois à danser pour finalement se jeter sur son voisin, l'épaule en avant ; on songe, souvent, que dans la même veine Enola Gay mériterait que les descendants de Mogwai s'intéressent à son sort ; on se rappelle que cela fait quelque temps déjà qu'on n'a pas réécouté Kissogram et l'on rêve que Depeche Mode finisse par faire quelque chose de vraiment osé. De quoi, donc, largement jubiler jusqu'au printemps prochain. |