Lecture
musicale dans un salon de la nouvelle de Madame de Lafayette
par Marie-Armelle Deguy accompagnée à la harpe
par Constance Luzzati.
Madame de La Fayette, femme de lettres française, est
essentiellement connue pour son roman fameux "La princesse
de Clèves", chef d'oeuvre - qui prône le stoïcisme
face au caractère destructeur des passions - considéré
non seulement comme le premier roman moderne de la littérature
française mais également comme le précurseur
du roman d'analyse psychologique.
Or, seize ans avant elle publiait, sous forme d'un court récit
anonyme plus dense et plus syncrétique, qui fonde l'art
classique de la nouvelle, les émois amoureux d'une autre
femme, qui, comme la princesse de Clèves dont la courte
vie "laissa des exemples de vertu inimitables", aurait
être la plus heureuse des plus belles princesses du monde
"si la vertu et la prudence eussent conduit ses actions".
En effet, l"Histoire de la princesse
de Montpensier" met en scène, sur fond de
guerre civile et de nuit de la Saint Barthélémy,
une jeune fille qui jouit de toutes les grâces, la beauté,
l'esprit et la vertu, et cède à l'amour adultère
qui la conduira au déshonneur et à la mort. Eprise
très jeune du duc de Guise qui l'aime de retour, Mademoiselle
de Mézières, riche héritière, condamnée
à un mariage de convenance politique avec un barbon jaloux,
se résigne à la vertu jusqu'au jour où
le destin la met en présence de l'aimé qui brave
tous les codes de l'honneur pour épancher avec succès
ses feux.
Madame de La Fayette réussit une œuvre remarquable
dans laquelle elle aborde non seulement le statut de la femme
en son siècle, le jansénisme amoureux, toutes
les tribulations intimes du sentiment amoureux chez l'homme
et chez la femme, les fondamentaux raciniens et cornéliens
mais également les roueries de l'amour, avec entre autres
la manipulation de l'amant éconduit ravalé au
rang de confident et de bouc émissaire, qui préfigurent
les libertinages étincelants du 18ème siècle
et même les prémisses du réalisme romantique
du 19ème siècle.
Sa plume, qualifiée de précieuse, manie la très
belle langue du 17ème siècle avec une délicatesse,
une élégance et un raffinement extrêmes
qui passent merveilleusement l'épreuve du temps et de
l'oralité grâce à la diction de la superbe
comédienne Marie-Armelle Deguy,
avec la complicité de la harpiste Constance
Luzzati.
Portée par le texte dont le ton galant et léger
ne laisse en rien présager le dénouement tragique,
elle se garde bien de le jouer, se plaçant délibérément
dans l'état d'une lectrice doublée d'une narratrice
qui serait le témoin direct et contemporain des événements
qu'elle relate.
Dans l'aimable salon Roger Blin du Théâtre National
de l'Odéon, le moment est tout simplement magique. |