Quoi de plus passionnant, excitant et stimulant que de découvrir un disque qui propose une musique nouvelle, une musique qui n’a jamais existée, impossible à identifier, classer ou étiqueter.
La "chambre merveilleuse" du pianiste et compositeur allemand Michael Wollny définit en fait son propre univers, intime, mental et artistique. Un univers original et profond, qui provient de recherches personnelles extrêmement poussées, qui font se côtoyer la musique écrite, classique et contemporaine et les musiques improvisées européennes, marquées par le jazz et quelques cousinages avec les expérimentations répétitives de Steve Reich, Terry Riley ou Philip Glass. Il utilise à cet effet une palette où les couleurs du piano, du célesta, du clavecin, de l’harmonium et du Rhodes, sont souvent entremêlées dans une savante orchestration, qui n’oublie jamais d’être lisible et raffinée.
Homme orchestre à lui tout seul (de l’ambiance douce et feutrée de "Studenglas" à la folle fantasmagorie de "Kabinett III"), il est quelques fois seul au piano pour une introspection méditative ("Palimpsest" et "Amethyst"). Wollny sait aussi s’entourer de personnalités fortes qui vont s’immiscer dans son univers, comme l’israélienne Tamar Halperin (spécialiste de musique baroque), qui va jouer un rôle fondamental dans le processus orchestral avec sa pratique savante, sophistiquée et expressive du clavecin. N’oublions pas aussi de nommer Guy Sternberg, directeur artistique attentif et génial, qui réalise par un innovant mixage, un univers sonore tout à fait unique, allant même jusqu’à proposer trois arrangements tout à fait pertinents (comme le magnifique "Kabinet VI").
Je sens bien qu’il y aura toujours quelque grincheux pour dire que ça ne swingue pas et que ce n’est pas du jazz, tant pis pour eux, ils passeront à côté d’une œuvre unique, onirique et étrange, à la fois sombre et lumineuse. Un monde imaginaire, merveilleux, fantastique et inconnu, que Wollny explore avec encore plus de certitude et de sensibilité que lors de son précédent opus solo (Hexentanz). Chronique originale publiée dans
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