Le dernier album de Sanseverino (voir la chronique de l’album Les Faux Talbins) marque une évolution importante dans le parcours du bonhomme. Moins manouche, plus rock. C’est aussi visiblement un travail de groupe avec un Sanseverino aux manettes qui a peaufiné tous les arrangements. C’est dire si la tournée live est attendue…
Qui connaît Sanseverino sait à quel point c’est un homme de scène. Musicien, comédien, clown, interprète, toutes ses expériences le destinent à la scène. Lui s’y plait énormément, multipliant les dates comme un boulimique et les formats comme un gourmet, pour le plus grand plaisirs du public. Ne sachant jamais où attendre Sanseverino, le virage du dernier album laisse présager plus que jamais une série de live surprenants ! En ce début de tournée, le public du Fil est nombreux et multiple. On y retrouve des fans historiques, des curieux, des convaincus du dernier album, des impatients du nouveau show, et des "pro-swings manouches" sceptiques...
Va-t-il contenter tout le monde avec quelques nouvelles chansons et un set de "vieilles" chansons swing ? Va-t-il assumer totalement le dernier album et offrir un concert rock dans sa totalité ? Est-ce que le nouveau Sansé tiens la longueur sur un concert ? Comment trouver un consensus pour satisfaire ce public d’ados, de vieux, d’enfants, de prolo, de bobo… qui semble si hétérogène ?
Comment… Chut ! C’est parti ! Images en fond d’écran, des musiciens en costard cravate, un Sanseverino classe, une entrée en matière très sobre, posée. Un son parfait. La voix entoure la salle. Les gestes sont précis. Le regard croise chaque spectateur. Un bras de fer surprenant qui se faufile en finesse pour abattre notes après notes les défenses de la salle… C’est qui le boss… Il a de la bouteille le vieux ! Qui a parlé de consensus ? Il se laisse encore deux chansons pour planter le décor "A boy named Sue" puis "Les Faux Talbins".
Le ton est trouvé, le son est posé. Sanseverino a pris les rênes de la soirée, il crache, il ment, il rit. Sanseverino est un mauvais garçon… Vous aimez ça ? Alors il continue faisant du concert un show permanent. Le public est vite scotché par la performance… Sansé alterne les guitares – dont celle désopilante en forme de bus – Sanseverino est un grand enfant – et rappelle à tous qu’il fait ce qu’il veut avec cet instrument.
Les musiciens prennent un plaisir palpable à jouer ensembles et sont les premiers spectateurs des dérapages contrôlés de leur leader. La petite bande se suit depuis plusieurs tournées (certains depuis le premier album). Pouliquen aux ukelélés et guitares, Cravero à l’orgue et au violon, GP Cremonini à la basse, B. Camouin au trombone, Tribolet à la batterie et bien sûr Legeay à la guitare… C’est dire si ça tourne. Le sourire aux lèvres, ils excellent dans leur domaine et suivent à la lettre, pour improviser et s’adapter à la situation, les consignes du boss, qui d’une main en l’air ou d’un hochement de tête, gère l’énergie du show et du public. Au milieu du chaos règne un ordre impeccable, la musique est vivante et rien n’est figé !
Avec une ardeur sans égale, plusieurs titres du dernier album parmi les plus pêchus s’enchaînent assommant littéralement le public.
Gérant ses interventions verbales comme autant de respirations, Sansé rythme la soirée. Invitant un gamin d’à peine 5 ans sur scène, il lui apprend avec une tendresse incroyable – finalement Sanseverino est un grand sensible – le refrain de "La Salsa du démon", faisant du petit gars le héros d’une soirée pendant cette reprise déjantée. Il apprendra plus tard à 3 petits gadjos invités sur scène les paroles de "Mort aux vaches" pour l’accompagner sur cette reprise de Parabellum, seul à la guitare. Sanseverino – qui est aussi un grand pédagogue – enseigne aux gamins un frais "Mort aux vaches, mort aux condés" ponctué de conviviaux bras d’honneur… pour le plus grand plaisir de leurs parents. L’épisode qui pourrait paraître déplacé est pourtant très bien accueilli par tous et fourni encore la preuve de toute l’humanité du personnage dans sa manière d’aborder l’autre et de ne pas tricher.
Finalement, le secret de Sanseverino est là : c’est un vrai mec qui derrière son côté bad boy est d’une authenticité totale. C’est un prolo qui aime les gens. Voilà peut-être pourquoi il se détourne avec cette tournée un peu plus encore de son image bobo nouvelle scène. Cette liberté de ton et cette sincérité font de ce concert une réussite. Ici on ne triche pas ! Les chansons des albums précédents sont aussi à la sauce électrique. On assume jusqu’au bout les choix du moment et la déconnade en bande… Jusqu’à revenir sur scène au moment du rappel grimés en curés, le bassistes en cardinal jouant sur une basse en forme de crucifix géant, pour reprendre "L’eau à la bouche" de Gainsbourg !
Vous l’aurez compris ce concert a été un vrai moment de musique et de spectacle vivant. Sanseverino et ses musiciens se donnent sans retenues et sans artifices. Certains ont parfois pu être choqués par l’humour Bête et Méchant, d’autres peut-être déçus par le manque de "vielles chansons", d’autres encore frustrés par la quasi absence de solo manouche… Mais il y a fort à parier que tous ont été touchés par la sincérité du show, qui nous rappelle qu’un artiste n’est jamais aussi bon que lorsqu’il va en liberté, libéré des chaînes de l’offre et de la demande, de l’audimat et des ventes d’album…
Cette soirée marquait pour Sansévérino, et pour nous, le dernier concert avant les fêtes, une bien belle manière de refermer musicalement l’année 2009 ! Et bonne nouvelle : la tournée continue dès janvier 2010 pour au moins 30 dates jusqu’à l’été, pour celles et ceux qui ne souhaitent pas attendre les festivals de l’été où Sanseverino ne devrait pas manquer de faire parler de lui… En tout cas, c’est tout le mal qu’on lui souhaite pour cette nouvelle année ! |