Alors là : non.
Il ne suffit pas de publier un livre-disque pour être dans le coup.
Il ne suffit pas d'aligner des images pseudos-évocatrices / tout à fait obscures pour être un poète.
Il ne suffit pas d'aligner les tics typographiques, façon une imagerie multimédia-platisque-en-toc, pour être moderne.
Il ne suffit pas de n'atteindre pas la reconnaissance publique pour être un artiste underground.
Il ne suffit pas d'exister depuis bientôt trente ans pour avoir une légitimité.
Bien remis de son hiatus (1998-2005), le collectif rennais Complot Bronswick revient sous le nom Complot hanter ses terres de prédilections où les images et les sons se bousculent. Prolongeant son travail autour du spectacle théâtral Iceman. En résulte, cette fois, un livre-disque à la production irréprochable, mais au contenu décevant.
On aurait été prêt à pardonner les fautes d'anglais dans les textes ("it's time to go to anywhere" ; "it feel so hard", imprimés tels quels) et la logique d'écriture un peu pauvre, façon collage de l'hétérogène, pourvu que ça ait l'air. On aurait surtout été prêt à tomber amoureux de la voix, renversante récitante, qui nous sert le texte des Assis d'Arthur Rimbaud (celle d'Arnaud le Brusq, premier chanteur de la formation, de 1981 à 1983, qui vient ici retrouver ses anciens complices pour le seul véritable bon moment de l'album).
Mais à la fin du disque, ses 33 minutes plus 13 d'auto-remixes un peu nombrilistes, il faut bien reconnaître qu'il ne reste en mémoire qu'une sorte de vent bien vide – voire même un peu de soulagement tant certains titres, comme l'exécrable "Wake up", ont du mal à convaincre de les écouter jusqu'au bout. Le bouton "eject" aura rarement été aussi séduisant.
Quant au livre, rien à voir – à tous les sens du terme. Sur un terrain pas très éloigné de celui du dernier des Young Gods (le très recommandable Super Ready / Fragmenté), la couleur en plus, Complot se ramasse, tout simplement, avec un objet hybride dont le projet pouvait avoir quelque chose d'excitant, mais qui se révèle bien creux, derrière sa prétention. Il semble avoir manqué au projet une vision, une inspiration, tout simplement. Reste à espérer que certains arriveront à se contenter d'apprécier cette façon d'anti-groove numérique, un peu new wave (en plus froid), un peu indus (en plus plastique). |