Les
souvenirs d'enfance et la remémoration du premier amour,
qu'ils soient autobiographiques, autofictionnels ou imaginaires,
constituent deux thématiques très souvent abordés
par les romanciers au point de constituer un exercice de style
imposé.
Comédienne, auteur dramatique et romancière,
Véronique Olmi ne déroge
pas à cette règle et fait même d'une pierre
deux coups en traitant des deux dans "Le
premier amour" son dernier roman en date, un titre
au demeurant un peu réducteur puisque ce roman est de
plus à double détente.
Narré à la première personne, il raconte
l'escapade inattendue d'une femme ordinaire et rangée,
apparemment bien étrangère au spleen bourgeois
des personnages saganiens - elle est institutrice, son mari
chauffeur de taxi - qui, le soir même où elle prépare
le dîner du 25ème anniversaire de son mariage,
laisse tout en plan à la lecture d'une des fameuses annonces
de Libération par laquelle son premier amour lui lance
un SOS pour qu'elle le rejoigne à Gênes.
Le lecteur est donc inévitablement atteint d'une légitime
impatience, voire d'une certaine crainte en anticipant les retrouvailles
tardives avec un amour de jeunesse beau comme un Dieu - il est
blond, italien, terriblement séduisant et énigmatique
- retrouvailles qui peuvent augurer soit d'une déception
carabinée en raison des inexorables ravages du temps
soit d'un happy end lénifiant avec le prince toujours
charmant.
Mais l'auteur opte pour une variation bien différente
dans cet opus qui commence par un road movie au cours duquel
l'héroïne, qui va traverser la France puis l'Italie
en voiture, ce qui n'est certes pas le moyen le plus rapide,
opère une véritable remise en question de sa vie
alors qu'elle a pourtant réalisé ses rêves
("Je voulais me marier, avoir des enfants, un métier,
des amis, des vacances et des Noël. J'ai eu tout ça").
Car elle réalise que les colères et les fatigues
qui émaillaient ce quasi conte de fées ne constituaient
pas de simples épiphénomènes négligeables
("Rien de tout cela n'était passager, et j'ai perdu
tant de temps à prendre sur moi que je suis passée
par dessus bord."). Commence le retour vers le passé,
dont le point d'orgue est le premier amour, qui lui révèle
que les années écoulées depuis ne sont
qu'une parenthèse. Car dit-elle "J'ai été
jeune de 16 à 17 ans. Cette jeunesse-là est mon
âge éternel."
A l'arrivée en Italie, sans rien en dévoiler,
commence quasiment un deuxième roman plus bref, dans
lequel l'héroïne, qui n'est confrontée à
aucune des branches de l'alternative sus-évoquée,
mais à une épreuve aussi mélodramatique
que symbolique qui va en réalité constituer l'épilogue
de sa mélancolique quête existentielle ("J'entrais
en Italie comme au coeur de moi-même").
Avec son écriture vibrante et sensible, Véronique
Olmi tisse le beau portrait d'une femme qui, comme toutes ses
héroïnes, que ce soit dans le roman ou au théâtre,
aspire à une vie intense celle que promettent tous les
possibles illusoires de la jeunesse, et porte en elle des blessures
vives qui font que "la vie est un manque irratrapable,
et nous demeurons pour toujours inconsolés". |