Andrea
H. Japp, qui figure au palmarès des dames célèbres
du roman policier, publie "Aesculapius"
le premier tome d'une saga intitulée "Les
Mystères de Druon de Brévaux", qui
s'inscrit dans le registre de la littérature policière
médiévale qu'elle a investi depuis quelques années.
Les amateurs de ce genre né dans les années 70
avec l'anglaise Ellis Peters, et la première des enquêtes
du frère gallois herboriste Cafadalen, et qui a connu
son point d'orgue en 1980 avec "Le nom de la rose"
de Umberto Ecco, qui narrait l'aventure théologico-policière
d'un moine franciscain et de son novice bénédictin
sur fond d'Inquisition, y trouveront tous les canons dudit genre
déclinés selon quelques variantes qui en renouvelle
l'intérêt.
En effet, si les luttes féodales au sein d'un royaume
pas encore totalement unifié, l'Inquisition menée
par une Eglise omnipotente et les grandes peurs d'un Moyen-Age
considéré comme une époque obscure et barbare
en constituent la toile de fond, Andrea H. Japp y introduit
quelques novations qui ne manqueront pas de doper ce lectorat.
Ainsi, l'intrigue qui constitue le coeur de ce premier volume
s'inscrit résolument, d'une part, dans une vaste entreprise
d'exposition socio-politique de l'époque et d'immersion
dans la vie quotidienne, avec ses mythes, ses peurs et ses croyances,
et, d'autre part, dans le cadre d'une quête encore indéterminée
dont le sésame et l'enjeu est une pierre rouge dont le
secret tient en quelques mots "le sanctuaire de la pensée".
Une pierre qui a déjà suscité bien des
morts dont le dernier en date est un mire, un médecin
laïc de grande réputation dont la fille, qu'il a
instruit de son art, se retrouve désormais en danger
et doit fuir en dissimulant son identité.
D'où une autre novation tenant à la personnalité
du héros-enquêteur puisqu'il ne s'agit plus d'un
homme d'âge mûr appartenant au clergé séculier
mais d'une toute jeune femme, travestie en homme pour des raisons
pratiques tant de liberté de mouvement, à un siècle
où la femme n'est pas vraiment considérée
comme un être humain, que de sécurité.
Inquisition, sorcellerie, superstitions, luttes intestines
et félonies, sont au rendez-vous souvent personnifiés
par des personnages hauts en couleurs sans cesse soumis à
la tentation du mal à une période charnière,
sous le règne du roi Philippe le Bel.
Pour sa première enquête, la jeune Héluise
devenue le mire Druon de Brévaux, accompagnée
d'un jeune gamin Hugolin arraché des griffes d'une tenancière
salace, est confrontée non seulement à la mise
en pratique de l'art de la médecine dont elle n'a qu'une
connaissance livresque mais également à la résolution
d'un mystère, celui de la Bête qui décime
bétail et gens sur la terre d'une châtelaine hors
norme, résolution dont dépend au demeurant sa
propre sauvegarde.
Cette enquête est menée d'un point de vue singulier
puisqu'il s'agit de celui d'une âme docte et pure qui,
faute de croyances établies qui peuvent aveugler le discernement,
adopte une démarche heuristique ce qui entraîne
des croisements intéressants au plan notamment de l'histoire
de la médecine entre les pratiques ancestrales et les
premiers rudiments d'un savoir pragmatique.
Ce roman, à la fois roman policier et roman d'aventures,
à l'écriture fluide, bien documentée, érudite
et didactique, avec notamment des notes en bas de page pour
expliciter la terminologie employée quand il s'agit de
termes qui ne sont plus usités, est particulièrement
addictif et se lirait d'une traite n'était son nombre
de pages. |