La mathématique : les lieux et les temps est le premier volume d’une série qui devraient en comprendre trois autres, soit, toujours à propos des mathématiques, Les problèmes et les théorèmes (tome 2), Les arts et les lettres (3) et En résonance avec les autres sciences (4).
Bref, il s’agit d’une véritable somme qui tend à dépasser le cadre d’une lecture des mathématiques à partir de la logique et de la philosophie du langage.
Si nous avons entendu le plus souvent la mathématique comme un objet nécessaire au fondement de la vérité épistémologique ou scientifique (les philosophes du cercle de Vienne et, plus proches de nous, leurs héritiers anglo-saxons nous ont, en effet, habitués à cette lecture qui, il est vrai, peut apparaître fort réductrice), il semble désormais possible de comprendre ce domaine dans toute sa complexité.
Il n’est plus question de croire en l’unité de la science basée sur les axiomes telle que l’entendait, en particulier, Rudolf Carnap ou encore Otto Neurath (même si sur cette question elle-même, leurs opinions ont pu différer plus ou moins radicalement). Non, il faut dorénavant entendre que la ou les mathématique(s) présente(nt) une existence marquée par la pluralité des points de vue et des analyses. Plus précisément, la notion de progrès semble de plus en plus périmée face à une vision marquée par l’historien des sciences, Thomas Kuhn (voir notamment son livre le plus connu, Structure des révolutions scientifiques).
L’idéal progressiste qui était celui des empiristes à la Auguste Comte jusqu’aux héritiers directs du positivisme logique cède la place à une compréhension plus complexe du rôle des sciences en général et de la mathématique en particulier. Pour Claudio Bartocci et Piergiorgio Odifreddi qui paraissent implicitement prendre la suite de Kuhn, il est nécessaire de replacer la mathématique dans un relativisme radical qui aurait sans nul doute charmer Louis Rougier, c’est-à-dire dans une optique privilégiant la variété des lieux et des temps, et, par suite, l’appréhension si diverse des hommes selon leurs motivations marqués par les postulats et les désirs propres à leurs générations. |