Fable dramatique écrite et mise en scène par Laurent Bazin, avec Audrey Bonnefoy, Ava Hervier, Célia Kirche et Céline Toutain.
La dysmorphobie est une maladie qui se caractérise par le souci obsessionnel de défauts dans l'apparence physique. Avant de rentrer dans la salle, le spectateur passera devant une série de photographies de visages, tout ou partie masqués, exposées comme conservées dans du formol.
Face à ces photos, le spectateur trouvera des "organes de confort", tels la "dentition stomacale" ou la "barrette de mémoire", en tête de gondole.
Laurent Bazin, à travers son texte, interroge le spectateur sur son rapport à la chirurgie plastique, reconstructrice ou esthétique. Laurent Bazin tourne à la farce un monde obnubilé par le culte du corps et par le souci d'esthétique.
Ainsi "Dysmopolis" est le nom d'un grand groupe qui, autour de la chirurgie esthétique, gère aussi bien des parcs d'attractions que des chaînes de télévision, et produit une sitcom dont le héros justicier façonne de jolis visages pour les gentils et rend laid les méchants.
La pièce se compose comme une somme d'histoires qui au final convergent vers le siège de cette grande entreprise, les quatre actrices interprétant plusieurs personnages.
Tout d'abord, on peut remarquer que Laurent Bazin n'a pas beaucoup besoin de forcer le trait pour imaginer ses histoires. La première fortune de France n'a-t-elle pas longtemps été Liliane Bettencourt, l'héritière des cosmétiques qui le valent bien?
Cette marque est partenaire officiel du festival de Cannes et phagocyte d'avantage chaque année l'évènement cinéma. "Nip/Tuck", la série sur les chirurgiens esthétiques californiens, cartonne depuis plusieurs années et montre l'intérêt du public pour des monstres qui volontairement s'allongent sur la table d'opération et s'offrent au bistouri.
Depuis quelques temps, on a même vu débarquer sur nos petits écrans des programmes de télé-réalité comme "Miss Swan" ou "Extreme makeover" dans lesquels des candidats postulent pour se faire remodeler de la tête aux pieds. Ce spectacle saisit donc parfaitement l'air du temps.
Ensuite on ne peut qu'être admiratif devant la scénographie mise en place par Bérengère Naulot, qui joue des projections lumineuses, des ombres chinoises et de matériaux transparents et déformants pour instaurer l'ambiance de la pièce. Cette ambiance est soulignée par les voix amplifiées, parfois déformées, des actrices, et aussi par des sons sourds qui installent le spectateur comme en apnée.
Cependant le texte, dense, saute très rapidement d'une saynète à une autre et donne une impression de fouillis que la mise en scène peine à éclaircir. Le seul moyen de reconnaître les personnages, et donc de se retrouver dans les histoires de ce théâtre-chorale (comme on parle d'un film-chorale), sont les prénoms des personnages, et parfois leurs masques.
On saluera alors d'autant plus la performance des quatre actrices, Audrey Bonnefoy, Ava Hervier, Célia Kirche et Céline Toutain, qui jonglent d'un personnage à l'autre, se raccrochent à un texte dont le fil conducteur se fait parfois ténu, enfilent pour jouer masques de fils de fer ou de tulle, miment et chantent.
Au sortir de ce spectacle, l'ensemble laisse un sentiment d'inachevé. Qui trop embrasse, mal étreint. En hésitant entre la farce et la réflexion philosophique, Laurent Bazin perd autant en force de dénonciation que de persuasion.