Texte de Philippe Delerm, mise en scène de Marc Rivière, ave Jean-Louis Foulquier accompagné par Maëva Le Berre au violoncelle.
En 1997 paraissait "La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules" dus à la plume de Philippe Delerm. Ce recueil de courts récits dépersonnalisés écrits sous forme de vignettes mnésiques nostalgiques sur les petits bonheurs quotidiens qui reviennent à l'esprit comme autant de bouffées d'enfance attendrissantes.
Cet ouvrage, à l'argument réitéré quelques années après à plusieurs mains avec madame et consorts sous le titre "Petite brocante intime", sorti en pleine période de structuration de l'ère bobo, où l'on redécouvrait le confort vintage des fauteuils chesterfield du grand père qui croupissaient dans le grenier, dégustait le riz au lait ou le pain perdu mis à la carte des plus grands restaurants étoilés et parfumait sa maison de campagne avec des bâtonnets d'encens "petits goûters d'automne" aux effluves de chocolat chaud ou aux relents d'encaustique, qui a constitué un véritable phénomène d'édition, puisait dans l'iconographie de la vie quotidienne des années 50-60 et exaltait la métaphysique du petit moment de bonheur, revêtait incontestablement un caractère suranné.
Jean-Louis Foulquier, célèbre homme de radio qui est également acteur de cinéma et chanteur, mais pas comédien, porte avec application ces textes sur scène, drivé par le réalisateur Marc Rivière dans une scénographie "écolo" de Emmanuel Laborde avec ses meubles en faux tronc d'arbre en carton alvéolaire, sur fond musical dispensé, notamment au violoncelle, par la jolie, lumineuse et inspirée Maëva Le Berre (la révélation du spectacle), en forçant sur le désenchantement lyrique.
Le choix d'une présentation ordonnée selon une trame artificiellement narrative et chronologique n'est pas vraiment judicieux, de même que ces fragments s'accommodent mal d'une lecture linéaire impliquant davantage, comme le sens de la fameuse première gorgée de bière, un picorage ponctuel au gré des humeurs et des saisons, dans un livre de souvenirs communs à une certaine génération, un petit recueil de madeleines vaguement proustiennes pour vieil enfant mélancolique qui fonctionnent comme autant de flash aléatoires.
Certes c'était toujours mieux avant. Mais, 1960-2010, un demi siècle s'est écoulé et ces délicieuses vignettes jaunies, comme autant de tirages argentiques qui peuplaient les albums de photos avant l'âge du numérique et des familles décomposées, les gâteaux du dimanche, le débat vélo vs bicyclette face au vélib, l'odeur des pommes remisées au grenier pour l'hiver ou l'écossage des petits pois (qui écosse encore des petits pois aujourd'hui ?) semblent désormais ressortir à la préhistoire. Mais n'empêche, bien sûr, la tranche des quinquas et plus iront de leur larmichette.