19h40 : nous pénétrons dans le Bataclan – toujours aussi classe cet endroit – et essayons de se boire la fameuse bibine d’avant concert. Pas facile car les ouvreuses nous sautent sur le grappin pour nous placer (incroyable au passage de voir une fosse assise pour un tel concert).
Avec grand étonnement je me rends compte que je suis placé au troisième rang devant la scène (la place initiale d’un gars qui a préféré rejoindre sa copine sur la droite). Pour 27 euros, c’est quand même assez exceptionnel.
Je pose mon cul à peu près 30 secondes sur cette place grand luxe quand on vient me tapoter sur l’épaule pour m’inviter à les rejoindre au bar. Une fois la bière engloutie, les minutes passant, on réalise qu’il serait vraiment trop con de se voir le concert chacun de notre côté et surtout, il nous paraît physiquement impossible de rester assis devant un tel performer, on ne vient pas voir Air tout de même.
Comment expliquer une fosse assise pour un concert entre rock garage, rock’n’roll et blues ? L’habitude des américains à jouer dans des clubs "assis" ? Choix délibéré des organisateurs du Bataclan ? Toujours est-il que ça fait plus salle de cinéma que salle de concert (j’ai l’impression aussi que les balcons au-dessus étaient vides). Debout au niveau des rambardes qui délimitent le bar de la fosse, la vision est bien dégagée, parfait !
Bonne première partie : Paul Camilleri, un Californien accompagné d'un groupe solide, naviguant entre rock brut US des années 80, légèrement hard rock sur le manche, batterie puissante derrière. Le chanteur/guitariste n’hésitera pas à lâcher des petits solos efficaces. Des gars sympas en plus, n’hésitant pas à parler français. Pour résumer l’affaire, une demi-heure bonnard, assez rock, à bien chauffer le public, ce qui est le but en règle générale. Comme on dit, les gars ont bien fait le boulot.
Popa Chubby n’attend pas que la chaleur humaine retombe et 20 minutes plus tard, il déboule avec ses acolytes sur scène sur le mythique "Gonna fly now" de Rocky, – rappelons que son dernier album s’appelle The fight is on.
Et il ne va pas tarder à envoyer du lourd, du gros rock, sorte de rock’n’roll bien urbain. Les deux premiers morceaux sont faits de riffs de gratte terrible qu’il termine en grand coups de solos imparables. Bref, ça dépote grave.
Popa Chubby est un grand fan d’Hendrix, tout le monde le sait, il ne tarde jamais à rendre hommage au plus grand guitariste de tout les temps. "Hey Joe" n’est certes pas la reprise la plus originale qui soit mais la version assez sauvage qui, en fait, vaut son pesant de beurre de cacahuètes, pour rester ricain dans l’esprit.
Un ou deux morceaux perso suivent (dont le très rageur "I believe") bien exécuté, avant qu’il n’entame une bonne période blues. Ce grand monsieur de la guitare se pose alors sur un tabouret avec une guitare blues du plus bel effet et se lance dans de somptueuses démonstrations de solos blues, langoureux et nerveux à la fois, pour notre plus grand bonheur. Le doigté de l’américain se fait crescendo dans la rapidité, et le rythme. Avec un "vieux" son de cordes blues chaleureux, il va faire ainsi parler, pleurer, hurler sa guitare. Du blues électrique qui ferait passer Rory Gallagher pour un novice !
Bien rôdé, bien étalonné, il peut donc entamer une petite session blues de morceaux d’Hendrix (il s’agit plus ou moins d’un concert hommage au magicien de Seattle pour les 40 ans de sa mort). Mettant en route des pédales puissantes derrière en sortie de sa gratte, Popa Chubby va ainsi bien s’éclater sur (il me semble) "Catfish blues", – vieux standard blues des années 30, déjà repris façon endiablée par Jimi – et son fameux "Red house" (l'enchaînement entre les deux morceaux sera limite transparent). Des versions, il va s’en dire, interminablement virevoltantes, à s’en délecter. On pourrait juste reprocher un certain retrait du bassiste et du batteur, à moins que le virtuose New-Yorkais ne soit trop présent finalement. Mais ce Popa Chubby montre aussi qu'il est sympathique, chaleureux, assez tchatcheur et n'hésitera pas à faire monter plusieurs fois sur scène un jeune fougueux (Axel) qui se donne à bloc dans les allées (ce jeune homme aura le droit aussi, comme les ziquos, à son ovation à la demande de Popa Chubby).
Et que dire du "The wind cries Mary" qui suit, planant à souhait. Il exécute à merveille cette balade psyché du grand Jimi, même écho sur la guitare, doigté sur le manche du même tonneau, déluge de solos… Dur de se remettre d’un tel morceau, mais à présent le massif guitar heroes se lance dans une pluie de reprise, comme ce "Walk on the wild side/New York New York" étonnant, rock'n'roll comme il faut, jouissif.
On ne peut aussi qu'être admiratif devant cette version très rock blues du "Hallelujah" de Leonard Cohen. On s'en rend bien compte sur ce morceau, outre la guitare qui semble être le prolongement de ses doigts, Popa Chubby va également prouver que sa voix est chaude, intense, au timbre variable aussi.
Pour le final, en guise de dessert, Popa Chubby nous livre une énorme pièce montée, un "Little Wing" dantesque qui n'a rien à envier à l'original de son maître, aussi sauvage et beau, montrant une fois de plus qu'il maitrise ses solos coulés et nerveux. Les doigts probablement en feux, Popa Chubby délaisse alors la guitare pour un boeuf endiablé avec son batteur, récupérant lui aussi une petite batterie – cet instrument aussi il maitrise. Et quoi de mieux pour s'y défouler que la partie tribale de "Moby Dick", l'ovni de Led Zeppelin. Plus de dix minutes de bonheur où Popa Chubby va se lâcher complètement sur les fûts, avant de finir le morceau comme il se doit avec des riffs agressifs à la guitare.
Plus de 2h de concert, pas besoin de rappel, ça ne choque pas, et la part belle à des reprises transcendées, dont une demi-douzaine de titres de Jimi, je ne m'en plains pas. Seul léger regret, pas énormément de morceaux persos – j'aurais notamment aimé un ou deux morceaux bien Rockabilly de l'album Vicious Country composé avec l'aide de sa femme Galea. Mais c'est ce qu'on appelle pinailler au milieu d'une incroyable performance scénique. |