Spectacle conçu par Cesare Capitani et Martine Midoux, mise en scène de Stanislas
Grassian, avec Cesare Capitani et Martine Midoux.
Fasciné par la personnalité puissante et ténébreuse, et non encore totalement élucidée, du peintre le Caravage telle qu'elle émerge du roman, "La course à l'abîme" de Dominique Fernandez, qui propose une approche fictionnelle de la vie de l'homme et de l'artiste à partir de ses oeuvres, Cesare Capitani, comédien et metteur en scène italien formé à l'Ecole du Piccolo Teatro de Milan, y a puisé l'essence d'un monologue dramatique.
Ainsi "Moi, Caravage" retrace la vie brève et tumultueuse, et la mort tragique, du peintre maudit de la fin du quatrocentto italien, inventeur de la technique du clair-obscur, et homme au tempérament vif voire violent, à la personnalité rétive et mystique et aux moeurs dissolues.
Avec Stanislas Grassian à la mise en scène et la collaboration de la comédienne, musicienne et chanteuse Martine Midoux, ils ont conçu un opus théâtral sous forme d'un "autoportrait en clair-obscur pour comédien et soprano".
Cette proposition originale et audacieuse est placée sous le signe du double, le peintre et un alter ego qui incarne également quelques uns des personnages qui traversent sa vie et un choryphée a capella, "une voix qui raconte et une voix qui chante" pour souligner une personnalité janusienne, fascinante tant par son génie que par sa propension à la turpitude, et l'enchevêtrement toujours captivant entre la vie et l'art.
Comme toujours dans les spectacles mis en scène par Stanislas Grassian, qui attache une grande importance à l'esthétique dramaturgique, une belle place est accordée à la lumière comme élément scénographique essentiel qui trouve ici une résonance particulièrement métaphorique, et notamment la lumière naturelle diffusée par des bougies. Ce point de vue sensible est tout à fait intéressant et mené de manière totalement réussi. Martine Midoux, petit gabarit au physique androgyne, assure avec beaucoup d'humanité la partition vocale en contrepoint.
Cesare Capitani prête son physique idéal et sa présence charismatique au Caravage dans une très belle vision tourmentée, investie et incarnée, de peintre iconoclaste, en rupture avec les canons esthétiques du Quattrocento au profit du réalisme dramatique, de la représentation de la figure humaine dans la crudité de son corps et l'érotisme de la chair et de l'expression de ses sentiments, de l'homme tourmenté par une préscience à la fois de son talent hors du commun et de son destin tragique qu'il favorise par une fréquentation assidue des bas-fonds, inscrit dans la rébellion, la résistance et la provocation à une époque et dans un pays encore sous le joug de l'Inquisition romaine et sous la main mise de l'Eglise et des riches commanditaires. Il suscite plus que la curiosité à l'égard de la vie d'un homme qui n'est pas sans points communs avec celle d'un autre italien, Pier Paolo Pasolini, retrouvé mort lui aussi, quelques siècles après, sur une plage, et dont l'année 2010 qui est celle du 400ème anniversaire de sa mort est ponctuée de manifestations et événements parmi lesquels ce spectacle s'inscrit naturellement. |