Comédie
de Bertold Brecht, mise en scène de Anthony Binet et
Laura Mariani, avec Anthony Binet, Romain Brilhault, Louise
Darré, Guillaume Dollinger, Marie Pannetrat, Sylvain
Porcher, Caroline de Regnauld, Vincent Remoissenet et Maïté
Schvan.
Pour leur première création, la toute jeune Compagnie Pièce Montée, créée par de jeunes comédiens issus de l'Ecole d'acteurs CôtéCour, présente un spectacle tout à fait réussi avec une comédie satirique en un acte de Bertold Brecht "La noce chez les petits bourgeois".
Dans cette oeuvre de jeunesse écrite dans les années 20, une comédie de mœurs aux allures de farce qui oscille entre la noirceur de Labiche et l'absurde de Ionesco, Brecht dresse un peinture caustique du milieu petit-bourgeois et de ses personnages complètement soumis à une sorte d'atavisme archétypale qui les amènent, une fois fissuré le carcan étouffant des convenances, à laisser libre cours à leur véritable nature.
Egocentrisme, hypocrisie, mesquinerie, cruauté, veulerie mais aussi mal-être, amertume et frustration se dévoilent à l'occasion d'une noce, microcosme sociétal, qui vire au grotesque puis au tragique sans pitié pour les mariés qui ont eu l'impudeur de vouloir se démarquer, lui engoncé dans son costume blanc rutilant et imbu son grand oeuvre, la fabrication de tous leurs meubles, comme elle déjà enceinte qui en vante inconsidérément les mérites. Et tout se déglingue comme s'effondrent les meubles.
Sur la scène mouchoir de poche de l'Aktéon Théâtre, qui convient bien à cet univers étriqué et confiné, sur laquelle trône une immense table symbole d'une illusoire communion, la noce, transposée dans un temps indéfini mais qui évoque néanmoins les années 60, dresse une galerie de portraits terribles qui font rire jaune bien brossés par une belle troupe de "gueules" dans un esprit qui n'est pas sans rappeler les Deschiens.
Laura Mariani et Anthony Binet signent une mise en scène tonique et respectueuse des codes du genre, et notamment ses ruptures de rythme, sans jamais verser dans le vaudeville ou le boulevard, et qui rend palpable le dérèglement de la belle mécanique qui va virer au cauchemar. Ils assurent également, au niveau de la direction d'acteurs, l'homogénéité et la cohérence de l'interprétation dispensée par des comédiens qui se distinguent dans la partition non-verbale laissée par le texte,
sans céder à la facilité de la caricature, y instillant toujours une part d'humanité.
Autour des mariés bouleversants et pathétiques, tétanisé (Guillaume
Dollinger) ou révulsée (Maïté Schvan),
tous sont parfaits, la mère du mariée odieuse de condescendance
(Marie Pannetrat), les jeunes gens
qui flirtent (Caroline de Regnauld
et Vincent Remoissenet) et leur projection
dans l'avenir en un couple aigri et rompu aux scènes de ménage
(Romain Brilhault et Louise
Darré) et Anthony Binet, en
père du marié dispensateur de blagues glauques, et Sylvain
Porcher, en ami salace, réussissent de savoureux rôles
de composition. |